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science les connaissances historiques, qui jusqu’alors étaient éparses et sans lien. Cette dernière opération a été exécutée d’une manière, à mon sens, complètement satisfaisante par M. Auguste Comte, et c’est elle qui, en ce moment même, me fournit la lumière pour juger la logique, exposer le rôle de la métaphysique, et retrouver avec sûreté l’enchaînement des choses.

Voilà le fait empirique de la succession des sciences, tel que l’histoire, nous le donne. C’est une génération manifeste. Maintenant est-il difficile de concevoir d’où vient qu’il y ait ainsi génération ? Non sans doute. La mathématique est la seule science qui n’ait besoin du secours d’aucune autre : aussi elle se développe la première ; mais déjà l’astronomie ne peut cheminer sans la mathématique, de là son rang historique. À son tour, la physique s’appuie sur l’astronomie et la mathématique, la chimie sur la physique, la biologie sur la chimie, et la science sociale sur la biologie. Ce simple énoncé explique tout, sans qu’il soit besoin de rien ajouter. On aura compris que les six sciences que je viens d’énumérer embrassent sans exception les choses qu’il nous est donné de connaître, et qu’il n’est plus de nouvelle science abstraite à créer. La géométrie ouvre et la science sociale clôt cette série, qui commence aux propriétés des lignes et des nombres et qui finit aux phénomènes si compliqués des sociétés. Le labeur des générations à venir sera de développer ces six sciences, ou, pour mieux dire, cette philosophie, car la philosophie désormais n’est plus autre chose que le système ainsi disposé des six sciences abstraites.


VI. – MÉTHODES DES SCIENCES POSITIVES – LES SCIENCES SYSTÉMATISÉES CONSTITUENT LA PHILOSOPHIE.

En possession d’une étude qui commence aux âges les plus reculés, marche avec le temps et comprend tout ce qui est accessible à l’intelligence de l’homme, il est possible de rechercher ce que cette étude a fait pour la logique, ou bien ce que la logique a fait pour cette étude. Les deux expressions sont identiques. La première science qui nous apparaît dans l’histoire est la mathématique. Celle-ci nous offre le modèle le plus beau et le plus étendu de la méthode déductive. Sans doute la déduction a été pratiquée spontanément par tous les hommes et en tout temps ; mais ce n’est que dans la plus ancienne et la plus simple des sciences qu’elle trouve une immense application. Là tout part d’un très petit nombre d’axiomes suggérés par la plus vulgaire expérience ; tout est soumis au plus étroit enchaînement ; tout marche à des développemens de plus en plus amples, de plus en plus féconds. La seconde science, l’astronomie, dépend d’une autre méthode, de la méthode d’observation. Les phénomènes qu’elle étudie ne lui sont accessibles