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ces deux obstacles que rencontre depuis 1830 notre développement commercial, pouvaient être combattues plus efficacement qu’elles ne l’ont été.

Ainsi, prodigieux essor de l’industrie, tentatives répétées, mais généralement peu fructueuses, pour conquérir à nos produits de nouveaux marchés, langueur du commerce qui ne se sent pas suffisamment appuyé, tels sont les trois aspects principaux de la situation économique durant les dix-sept années antérieures à la dernière révolution.

L’état stationnaire de nos rapports commerciaux, en face d’une production croissante, était une source d’embarras qui menaçait de s’accroître chaque jour davantage ; il y en avait une autre plus inquiétante peut-être dans l’indécision trop fréquente du pouvoir en face des problèmes qui naissaient journellement de l’état industriel. Que cette inaction eût pour origine la crainte de heurter tels ou tels intérêts, nous le reconnaissons avec empressement, et nous n’avons garde de blâmer en principe un sentiment qui s’accordait avec les idées de modération auxquelles la monarchie de juillet s’efforçait de rester fidèle. L’esprit d’accommodement et de conciliation est indispensable pour le gouvernement de sociétés aussi complexes que nos grandes sociétés modernes. Un pouvoir trop entier et trop raide aurait bientôt succombé devant les intérêts froissés. Quand on réfléchit à la diversité des volontés humaines, on comprend mieux encore combien il serait impossible, sans de continuelles transactions, de régler les rapports réciproques entre les hommes. L’idée de sacrifices mutuels en vue d’avantages communs est la raison même des sociétés. Est-ce à dire néanmoins qu’un gouvernement doive sans cesse subordonner ses déterminations au désir irréalisable de satisfaire à toutes les exigences particulières ? Equilibrer les grandes forces, tenir compte des faits importuns, et, en respectant tous les droits, ne pas arrêter à chaque instant sa marche devant des considérations personnelles, voilà son rôle et son devoir. La politique économique du dernier gouvernement était-elle d’accord avec ces principes ? N’a-t-elle pas, au contraire, offert à diverses reprises le spectacle de tâtonnemens successifs qui laissaient les débats s’aigrir et donnaient aux difficultés le temps de s’amonceler ? Trop souvent les moyens évasifs lui ont servi de refuge. Il ne suffisait pas d’ailleurs, pour assurer l’accomplissement du rôle social de l’industrie, de chercher à faire prévaloir parmi nous le goût du bien-être sur nos vieilles habitudes d’agitation. Comment diriger à l’intérieur tout le jeu du mécanisme économique de manière à éviter les frottemens, les chocs et les explosions ? Que faire pour les intérêts des classes ouvrières, qui se soulevaient, à chaque instant, comme une mer orageuse menaçant d’envahir ses digues impuissantes ? Questions capitales qu’il ne fallait pas abandonner aux partis extrêmes. Le gouvernement avait un peu, sous ce rapport, vécu au jour le jour, sans porter suffisamment ses regards au-delà des difficultés présentes.

Les conséquences de cette politique ne s’étaient pas produites tout entières avant 1848, et l’on pouvait croire qu’on avait le temps d’en prévenir la plus grande partie. Comme, il y a dix-huit ans, la plupart des industries étaient loin de leur développement normal, on avait pu long-temps susciter les spéculations et ajourner l’examen des problèmes économiques, sans rencontrer devant soi les obstacles que recélait l’avenir. Durant les temps qui précèdent