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ses propres souffrances. Les déplorables événemens de juin renouvelèrent, toutes les défiances et renversèrent toutes les spéculations. Jamais même il n’avait été plus naturel de craindre que la torpeur ne se prolongeât indéfiniment. C’est l’honneur de l’autorité qui fut alors instituée d’avoir, par sa modération et sa droiture, abrégé ces momens de perplexité et d’engourdissement. L’industrie reprit assez vite une certaine activité. Ce mouvement se développa dans le cours des mois d’août et de septembre ; mais on se mit ensuite à calculer les chances des prochaines élections présidentielles. Le mystère qu’enfermait l’urne immense où sept ou huit millions d’électeurs allaient déposer leur vote tint en suspens toutes les entreprises. Avec la constitution définitive du pouvoir exécutif, avec un choix consacré par une éclatante adhésion de l’opinion publique, a commencé une période de sécurité qui a mis fin aux soubresauts convulsifs de la population industrielle.

Chacune de ces violentes secousses s’était traduite par le même fait : le ralentissement de la fabrication ; mais toutes les industries n’avaient pas été également atteintes. La différence du mal, qui tient tantôt à la nature des produits, tantôt à certaines circonstances locales, donne lieu à des réflexions utiles sur l’état des diverses branches de notre fabrication.

La France manufacturière peut se diviser en cinq grandes zones. Dans la zone septentrionale, qui comprend onze départemens, se trouve accumulée la plus grande partie de nos richesses industrielles. Cette zone est avantageusement située pour le travail manufacturier. Le voisinage de la mer, une grande voie fluviale qui la rattache à Paris, de nombreux canaux, des facilités particulières pour se procurer l’aliment aujourd’hui indispensable des fabriques, la houille, expliquent suffisamment sa destinée et son importance. Outre les grandes métropoles de Lille et de Rouen, qui emploient chacune près de cent mille ouvriers dans le rayon de leur circonscription, il y a ici de nombreuses cités dont le nom éveille le souvenir de quelque production spéciale et figure avec éclat dans les annales de l’industrie. — La zone orientale présente, sur plusieurs points, un mouvement qui rappelle celui du nord de la France. Mulhouse, Troyes, Reims, Sainte-Marie-aux-Mines, Rive-de-Gier, Saint-Étienne, Saint-Chamond, Tarare et la grande cité lyonnaise rivalisent avec les vastes fabriques de la Flandre et de la Normandie. Cependant les tendances industrielles ne sont point là aussi générales l’activité se partage entre des applications plus diverses ; les manufactures ne germent déjà plus ici comme un produit naturel du sol. — Moins industrielle que les départemens de l’est, la zone méridionale conserve néanmoins quelques riches et belles fabrications. Le Rhône et la Loire n’absorbent pas toute l’industrie séricicole. Nîmes et les Cévennes se distinguent par des spécialités qui leur sont propres ; mais, sous cet heureux climat du midi, le travail n’a plus le rude caractère de la région septentrionale. — Baignée sur une étendue de eûtes d’environ 6 degrés par l’Océan Atlantique, traversée par la Loire, la Gironde et par une multitude d’autres rivières, la France occidentale s’occupe beaucoup moins d’industrie que de l’exploitation du commerce maritime. — À la zone centrale se rattache tout le rayon de la fabrique parisienne, qui la couronne magnifiquement vers le nord. Quand on descend ensuite au sud pour entrer dans le centre proprement dit de la France, on rencontre un pays, de montagnes parsemé de riches vallées et de plaines incultes, et, où