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et de Forbach, les tanneries de Sierek, n’ont pas fléchi sous l’encombrement des magasins mais les matières premières ont fait défaut à la main-d’œuvre, et la ruine du crédit n’a permis aucune acquisition nouvelle. La broderie de Nancy a été frappée tout à coup d’une telle dépréciation, que les ouvrières vouées à ce travail n’y trouvaient pas toutes un misérable gain de 25 centimes par jour.

La filature du coton, dans le département du Haut-Rhin, ne comptait pas avant février moins de sept cent quarante mille broches et dix-huit mille ouvriers. Centre de ce grand mouvement et capitale industrielle des six départemens groupés à l’extrémité orientale de la France, Mulhouse arrête, pendant plusieurs mois, le plus grand nombre de ses métiers et diminue de moitié la durée du travail dans les ateliers qui restent encore ouverts. Réduits, en temps ordinaire, à des bénéfices presque imperceptibles sur chaque mètre de leurs calicots, compensant la faiblesse des profits par l’énorme quantité des ventes, les manufacturiers de cette ville industrieuse ne pouvaient pas supporter un abaissement soudain des prix joint à un notable amoindrissement des affaires. Dans le voisinage de Mulhouse, à Sainte-Marie-aux-Mines, la filature et le tissage du coton teint ont résisté un peu mieux à l’orage, et, comme les indiennes de Rouen, les produits de cette fabrique ont joui d’une certaine vogue pendant l’été dernier. Les manufactures de draps, les ateliers pour la bonneterie de laine, la filature, le tissage et la teinture du coton, qui emploient onze à quinze mille ouvriers dans le Bas-Rhin ; les forges de Niederbronn, les fabriques de grosse quincaillerie de Molsheim et de Zornhoff, les usines pour les constructions mécaniques d’Illkirch et de Strasbourg, qui en occupent à peu près six mille, perdent, à dater du mois de mars 1848, presque tous leurs débouchés et restreignent de moitié le jeu de leurs forces productives. Les usines métallurgiques de la Haute-Marne, frappées déjà par diverses circonstances inhérentes à la fabrication au bois, n’ont pas cependant supporté sans énergie les terribles épreuves de l’année dernière, et elles en sortent moins épuisées qu’on n’aurait pu le craindre. Les manufactures et les ateliers de tout genre étant à peu près fermés, la construction des chemins de fer suspendue, il serait inutile de dire que la production est restée fort au-dessous du chiffre habituel de 16 à 17 millions de francs, qu’elle atteint annuellement, et qui forme le dixième ou le douzième de toutes les fontes françaises. Voici un fait très significatif d’après lequel on pourra juger de l’état de l’industrie métallurgique en 1848 : à la célèbre foire de Besançon, dite foire de l’Ascension, où se vendent ordinairement des milliers de tonnes de fer, il n’en a pas été placé une seule.

Les autres industries de la Haute-Marne, la ganterie de Chaumont, qui distribue chaque année 7 à 800,000 francs de salaire entre deux ou trois mille ouvriers, la coutellerie à bon marché de Langres et de Nogent-le-Roi, dont les produits dépassent 5 millions de francs, ont été condamnées à une inaction partielle équivalant pour elles à la perte de la moitié de leurs moyens d’action. Sans parler des cent cinquante fromageries, fabriquant douze cent mille kilo grammes de fromage par an, le dura offre à nos regards ; dans l’arrondissement de Saint-Claude, les industries les plus diverses disséminées dans les campagnes. À part les papeteries de Saint-Claude et de Lessard et une filature de coton, on ne rencontre point ici d’ouvriers agglomérés en ateliers. C’est au sein de la famille,