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auprès du foyer domestique, que travaillent isolément des tabletiers, des lapidaires, des monteurs de lunettes, des horlogers, des boisseliers, des fabricans de meubles communs, etc. La fabrication de la tabletterie a été réduite des deux tiers, la taille des pierres d’un tiers, et toutes les autres industries d’environ moitié. Si le nombre des transactions sur les fromages n’a presque pas faibli, les prix sont tombés de 35 pour 100.

Par sa situation géographique, le département du Rhône se rattache naturellement au faisceau des départemens de l’est, mais sa principale industrie appartient à la zone méridionale. Tout le monde connaît l’organisation particulière de la fabrique lyonnaise ; tout le monde sait que les métiers y fonctionnent exclusivement sur commandes. Par conséquent pas d’encombrement, mais aussi pas de production anticipée ; le travail y attend que le commerce le sollicite. À chaque moment d’arrêt dans les demandes correspond le chômage immédiat des métiers. Entre toutes les villes de France, Lyon devait ressentir plus douloureusement le contre-coup d’une crise qui pesait de préférence sur les produits de luxe. Presque nulle à l’intérieur en 1848, la consommation des soieries était contrariée au dehors par l’état agité d’une grande partie de l’Europe. Pendant plusieurs mois, la population ouvrière n’a pas eu d’autre travail que les écharpes et les drapeaux commandés par le gouvernement provisoire. Suspendue entre la vie et la mort, horriblement gênée dans le présent, plus inquiète que jamais sur l’écoulement futur de ses produits, l’industrie lyonnaise a été plus cruellement frappée qu’aucune autre par la crise industrielle. Vouée comme Lyon à la confection d’articles de luxe, la petite ville de Tarare est renommée par ses brodés pour meubles et ses mousselines unies et façonnées. Dans les campagnes environnantes, plus de quarante mille personnes prennent part au tissage des mousselines. Forte et résolue, cette fabrique s’est efforcée d’affronter la tempête, mais enfin les ressources se sont épuisées, et il a fallu céder à la loi commune. La production ne paraît pas toutefois avoir décru de plus de moitié. Bien moins ancien dans l’arène industrielle, le département de la Loire ne reste point aujourd’hui fort en arrière de celui du Rhône. La cité si prodigieusement agrandie de Saint-Étienne, dont Saint-Chamond est comme le satellite, réunit le contraste de deux industries fort différentes : les rubans, le velours et la passementerie figurent à côté du rude travail des métaux. 110 à 120 millions de produits, quatre-vingt à quatre-vingt-cinq mille ouvriers, tels sont les chiffres principaux de la statistique locale. Ces nombres fléchissent au moins des deux tiers pendant la crise. La perturbation est à peu près égale dans les usines de Rive-de-Gier. Pour ne citer que l’industrie du verre, sur quarante-quatre fours, trente-sept étaient allumés au mois de janvier 1848 : vingt-sept se sont successivement éteints, et sur deux mille ouvriers quinze cents ont manqué de travail.

Dans la région méridionale de la France, la brillante industrie qui efface ici toutes les autres, l’industrie séricicole, a été cruellement affectée par la tourmente dans les différentes opérations qui la constituent. À Nîmes, où les ateliers pour la fabrication des tissus de soie et de bourre de soie, réunis aux ouvraisons, n’occupent pas moins de vingt-cinq à trente mille ouvriers, les prix des étoffes ayant baissé de 40 pour 100, les travaux ont été complètement suspendus. Les cocons se vendaient avec peine à un tiers au-dessous de leur valeur ordinaire. Plus forte peut-être encore à Montpellier et à Ganges, la chute