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10 juin, dont la légalité a été contestée, les drawbacks[1], déjà existans ont été relevés de 50 pour 100 jusqu’au 31 décembre 1848 ; durant le même espace de temps, les tissus de soie et de fleuret, les tissus de lin et de chanvre de fabrication française ont joui, à la sortie, d’une prime de 4 et demi pour 100 de la valeur. En temps ordinaire, les objections dont l’arrêté de juin a été assailli sous le rapport de la légalité auraient dû peut-être soulever des scrupules sérieux ; mais, dans un moment où la limite des attributions de chaque pouvoir n’était pas encore fort nettement dessinée, en présence de nécessités impérieuses, nous ne pensons pas qu’il y eût un grand intérêt à scruter trop sévèrement les articles de lois sur lesquels le gouvernement avait basé sa décision. Sagement calculé, l’expédient était restreint d’ailleurs dans d’assez étroites limites. Si on envisage les résultats obtenus, on doit reconnaître qu’il a amené un mouvement sensible dans les exportations. Les tissus de soie et les fils et tissus de laine se partagent à peu près par moitié les sommes payées pour primes temporaires et drawback additionnel. Les autres industries admises à jouir du même avantage n’y participent guère qu’en des proportions comparativement insignifiantes. Les primes temporaires de 4 et demi pour 100 sont montées en bloc à 2,191,015 fr. environ, ce qui suppose des exportations pour une somme de 48,689,222 francs. Le total de la dépense, en y comprenant le drawback additionnel, arrive à 4,578,000 fr.[2]. Sans l’élan donné au commerce par cet appât exceptionnel, on peut hardiment affirmer, en prenant pour base la diminution même qui s’est manifestée malgré la prime, que les deux tiers au moins des exportations privilégiées auraient fait défaut à nos manufactures.

À ces subventions abondantes accordées par le trésor à l’industrie et au commerce, à titre de prêts directs, commandes extraordinaires, avances aux établissemens de crédit, primes et drawbacks, il faut ajouter encore les commandes faites sur le budget courant et qui n’ont pas exigé de fonds spéciaux[3] ; il faut ajouter les efforts des départemens et des villes. Toutes les ressources disponibles absorbées, l’avenir a été grevé soit pour soutenir certaines fabrications locales, soit pour donner du pain à la population ouvrière. Les bureaux de bienfaisance ont vu s’accroître immensément le cercle de leur clientèle par les progrès de la misère publique. L’industrie, de son côté, a tiré de son sein d’énergiques moyens de résistance. Dans un grand nombre de places commerciales, nous voyons les négocians former des associations pour se prêter un secours mutuel, pour favoriser l’écoulement des fabriques ou pour soutenir le crédit.

  1. Le drawback est la restitution du droit payé à l’entrée des matières premières.
  2. Les primes n’étant pas définitivement liquidées pour le dernier trimestre de 1848, au moment où ces chiffres sont recueillis, l’évaluation en a été faite par approximation.
  3. Nous ne devons pas compter ici les 20 ou 24 millions dépensés pour les ateliers nationaux, dont l’organisation a été si funeste à l’industrie. Nous omettons également les 50 millions votés pour les colons de l’Algérie, qui doivent, dans l’avenir, procurer au pays une large compensation pour les sacrifices actuels ; ce secours profitait à la population laborieuse et non à l’industrie proprement dite. Il en faut dire autant de certaines allocations à des genres de travaux étrangers à l’ordre industriel, par exemple, les 200,000 francs votés pour les beaux-arts, 100,000 francs pour les lettres, 680,000 francs pour les théâtres, etc., etc.