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du nord, ils avaient trouvé un village considérable qu’il serait nécessaire de traverser dans toute sa longueur, car il n’y avait pas d’autre route pour les chariots. Après une courte consultation, les officiers détachèrent cinquante cavaliers des mieux montés avec un drapeau de paix pour porter aux habitans du village indien des paroles de conciliation et d’amitié : M. Kendall, que près de trois mois de fatigues avaient refait compléteraient, dit adieu à son wagon, et prit rang avec son cheval parmi les hommes de l’avant-garde ; mais les éclaireurs indiens avaient donné l’alarme, et le village était désert : la tribu tout entière s’était éloignée, et les ambassadeurs ne purent que constater l’heureux et pittoresque emplacement de ce hameau indien. Les feux brûlaient encore dans les foyers abandonnés, ainsi que dans la loge du conseil où la fuite avait été résolue. Après avoir campé la nuit près du village, l’expédition reprend sa marche, toujours en longeant la rivière qu’on suppose être la Rivière-Rouge.

Fatigué d’une longue inaction, M. Kendall se félicitait de s’être joint aux éclaireurs qui précédaient la colonne. Sans s’astreindre à la marche lente et monotone des bœufs qui traînent les chariots, les batteurs d’estrade ont toute liberté d’allures. Le désert s’ouvre devant eux, et ils sont les premiers à interroger l’immensité des prairies, à sonder les dangers qu’elles recèlent. C’est la proue qui fend les vagues pour ouvrir la route au navire. De vives descriptions se succèdent sous la plume de M. Kendall. Là c’est une halte à l’ombre des cotonniers, ou sur les bords d’un ruisseau dont les eaux limpides gardent, sous la chaleur du jour, une fraîcheur éternelle, grace à des arches de verdure entremêlées d’inextricables guirlandes de vigne vierge. Le héron blanc, l’oiseau de la solitude, se tient immobile le long de ces cours d’eau, où le daim, qui vient d’échapper haletant au loup des prairies, court rafraîchir ses flancs baignés de sueur, où le cheval sauvage, l’œil inquiet, les naseaux fumans, vient étancher sa soif. Plus loin, ce sont d’immenses solitudes dont le vent courbe les hautes herbes et que sillonnent les bisons effrayés ou les rapides coursiers des éclaireurs indiens.

Cependant la marche se continue à travers mille obstacles. Carlos le Mexicain est devenu le guide de la caravane. On arrive sur les bords d’une rivière où l’on cherche vainement un gué. Carlos déclare que c’est la rivière Utau, le long de laquelle il a souvent tendu ses piéges ; que ces parages lui sont connus comme les lieux où s’est écoulée son enfance. La confiance du guide se communique encore une fois aux voyageurs. On espère arriver bientôt aux premiers établissemens du Nouveau-Mexique. La joie est bruyante, car personne ne se doute que cinq cents milles restent encore à franchir au milieu d’affreux déserts, et que la faim, la soif, les Indiens menacent de près l’expédition.

Un soir, la caravane a fait halte non loin d’un ruisseau qu’ombragent