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sa tanière, des serpens sifflent entre les jambes de son cheval ; partout c’est la solitude dans sa morne tranquillité. Le voyageur met un instant pied à terre et reste immobile ; mais bientôt, cédant à une impatience fiévreuse, il reprend sa course sans but, il pousse son cheval au hasard. Une heure s’écoule. Il est arrivé sur la pente d’une vallée profonde. À quelques centaines de pieds au-dessous de lui, serpente une longue ligne de chariots : c’est la caravane. Le naufragé qui sent ses forces s’épuiser en luttant contre les vagues peut seul, à l’aspect d’une voile, éprouver l’inexprimable joie qui s’empare de M. Kendall ; mais le talus est escarpé, et il cherche vainement, à travers les rochers, un sentier pour descendre. Après mille efforts, il atteint une plate-forme adossée à des rochers crevassés. Au-delà de cette plate-forme, la pente est si rapide, que le cheval et le cavalier hésitent à s’y lancer. Tout à coup, dans une des fissures du roc au-dessus de la tête de M. Kendall, un bruit confus se fait entendre, semblable à celui de cailloux froissés les uns contre les autres, ou bien encore à celui de feuilles sèches ou de broussailles foulées aux pieds ; une odeur nauséabonde s’échappe en même temps de cette fissure, et un sifflement aigu retentit, suivi de l’apparition d’un serpent à sonnettes qui se déroule comme une liane énorme le long des flancs du rocher. Le reptile n’est que le précurseur de toute une tribu de serpens dont le faisceau visqueux se déroule, et qui tapissent par centaines, horrible et vivante végétation, le talus rocailleux au milieu duquel s’ouvre leur caverne. Le cheval et le cavalier n’hésitent plus, et roulent ensemble plutôt qu’ils ne descendent jusqu’au niveau de la plaine. Un temps de galop les porte tous deux jusqu’aux chariots de la caravane, que M. Kendall se promet bien de ne plus jamais perdre de vue.


III

Ce ne sont là encore que de légères émotions. La faim n’est pas dans le camp, mais les privations ont commencé à se faire sentir à des hommes fatigués d’une longue route. Les commissaires de l’expédition, toujours persuadés, d’après les affirmations du guide mexicain, qu’on ne devait être qu’à soixante-dix ou quatre-vingts milles de la ville de San-Miguel, résolurent d’envoyer en avant trois parlementaires qui auraient à chercher des vivres frais et à pressentir en même temps l’accueil que réservaient les Mexicains à l’expédition américaine. MM. Howland, Baker et Rosenburry furent désignés pour cette mission. M. Rowland avait déjà passé quelques années à Santa-Fé, où il était connu des principaux habitans : c’était un homme à la fois intelligent, prudent et brave, en un mot celui qu’il fallait en pareil cas.