Hancock, les loups ne hurlent que près des établissemens, et demain nous rencontrerons des blancs, des Indiens, ou la limite de la prairie.
Le lendemain matin, M. Kendall et ses compagnons reprennent au point du jour leur marche à travers les prairies. Les premiers animaux qu’ils rencontrent, après avoir franchi péniblement un espace de plusieurs milles, sont des chevaux sauvages, réunis en troupeaux et galopant avec une impétueuse ardeur dans ces plaines sans limites. Persuadés que ce troupeau s’est échappé de quelque hacienda mexicaine, ils arborent au bout d’un fusil un mouchoir blanc, signal de détresse auquel malheureusement aucun autre signal ne répond. La troupe vagabonde des chevaux indomptés décrit curieusement à l’entour des voyageurs égarés de larges cercles au galop ; puis on les voit s’arrêter un moment, dresser les oreilles, secouer leurs crinières flottantes, et, reprenant leur course folle, se perdre bientôt dans l’immensité des savanes comme une troupe de dauphins dans l’immensité de la mer. Et cependant ce troupeau était bien, comme on le sut plus tard, une cavallada privée ; des Mexicains se tenaient à quelque distance, invisibles, mais non sans voir les voyageurs en détresse, dont les mouvemens leur avaient paru suspects.
Plusieurs jours de marche succèdent à celui qui a été marqué par cet incident. La faim tourmente les entrailles des voyageurs, réduits à serrer de plus en plus autour de leurs flancs leur ceinture de cuir, ou à chercher dans un sommeil plein d’anxiété l’oubli des tortures du jour. Le peu de gibier qui se montre disparaît hors de la portée des carabines ; les chiens des prairies, race singulière qui se creuse des terriers et vit en république, se cachent aussi, à l’approche des voyageurs, dans leurs demeures souterraines. Les eaux profondes des rivières ne laissent apercevoir aucun de leurs hôtes ; la terre et l’eau se montrent impitoyables. Un jour pourtant, au moment où le désespoir va achever l’œuvre de la faim, où les voyageurs affaiblis ne marchent plus qu’à de longues distances les uns des autres, les prairies changent d’aspect. C’est d’abord un horizon de montagnes d’azur, puis une échappée de plaines aux bouquets d’arbres disséminés, aux ruisseaux limpides et murmurans. Une halte a lieu sur les bords de l’un de ces ruisseaux, au coucher du soleil. L’azur du ciel paraît plus beau ce jour-là que les autres jours, et le couchant n’a jamais éclairé de teintes plus douces la cime des montagnes lointaines. Les saumons bondissent dans les eaux murmurantes qui coulent entre des rives ombragées ; les ramiers chantent au haut des arbres leur chanson du soir ; de longues files de dindons sauvages font retentir l’air du bruit de leurs grandes ailes. Un jour se passe dans ce lieu charmant, un jour de chasse et de pêche abondantes, et à ce jour succède une nuit de sommeil tranquille ; puis le soleil du matin éclaire au loin la fumée d’un