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nous en sommes convaincus. Les échecs et les difficultés n’ont rien changé à notre conviction, parce qu’ils n’ont rien changé non plus à la situation de l’Italie et à la nécessité d’empêcher l’extrême liberté d’être remplacée par l’extrême despotisme.

Non pas que nous craignions du pontife vénéré qui s’est réfugié à Gaëte aucune entreprise de despotisme rétrograde. Pie IX reviendra à Rome avec les mêmes intentions libérales qu’il a montrées pendant son pontificat. Il a des injures à pardonner, il n’a pas de revanches à prendre ; il n’a pas de désaveux à faire ; mais, pour rester libre d’être bienveillant et libéral, il faut que Pie IX puisse s’appuyer sur une puissance libérale : il ne faut pas qu’il n’ait été soutenu que par les puissances despotiques. Notre intervention a pour but de venir en aide aux bons sentimens du pape. C’est une médiation entre le despotisme et la liberté que nous essayons de faire en 1849, comme nous en avons déjà fait une en 1832, et dans cette médiation, nous représentons à la fois les principes libéraux de la France et les sentimens bienveillans de Pie IX.

Toute autre politique nous met à la queue de l’Autriche ou à la queue de M. Mazzini.

Le message du président explique, comme nous venons de le faire, la pensée primitive de l’expédition. D’où vient donc que nous nous en sommes écartés pendant un mois entier, et que nous nous sommes créé de si graves embarras à l’extérieur et à l’intérieur ? Tout tient au vote de l’assemblée constituante du 7 mai et au respect intempestif, selon nous, que le ministère a eu pour ce vote. Si nous gardons pendant long-temps encore la constitution qui nous régit, il faudra ériger en maxime d’état que les votes in extremis des assemblées ne doivent pas engager le gouvernement. Ces votes sont viciés par la mauvaise humeur d’une fin prochaine. Le ministère a eu plus de scrupules qu’il ne devait, et il a voulu faire honneur au vote de l’assemblée constituante. De là l’envoi de M. Lesseps.

Nous ne voulons pas examiner la conduite de M. Lesseps. Nous ne sommes pas du conseil d’état, et de plus, si nous examinions la conduite de M. Lesseps, nous serions forcés de conclure, ce à quoi le conseil d’état n’est pas tenu, chose fort commode. Le conseil d’état de la république jugera M. Lesseps comme le conseil d’état de la monarchie jugeait les évêques dans les appels comme d’abus. Il examinera beaucoup et conclura peu, un peu moins même que l’ancien conseil d’état ne concluait contre les évêques. Nous nous abstenons donc d’apprécier la conduite de M. Lesseps. Nous faisons seulement quelques réflexions qui, au besoin, serviraient à disculper M. Lesseps. Il est parti après le vote de l’assemblée qui enjoignait au gouvernement de ramener l’expédition d’Italie au but qu’elle devait avoir ; il devait appliquer ce vote. Il a pensé que ce vote voulait dire : Négociez avec M. Mazzini. Mais négocier avec M. Mazzini, n’est-ce pas le reconnaître ? La France n’avait pas voulu le reconnaître. Comment faire ? Ce n’est pas tout. Sur quoi fallait-il négocier avec M. Mazzini ? Sur le rétablissement du pape. Telle était la première pensée de l’expédition. Cependant il était vraisemblable que M. Mazzini n’entendrait pas de cette oreille-là, et qu’il ne voudrait pas donner sa démission en faveur du pape. C’est ainsi que, perdant du terrain à chaque entretien avec les plénipotentiaires romains, M. Lesseps est