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les laissèrent pas maîtres de leurs mouvemens. La révolution de février, venue trop tôt chez nous, au dire même des républicains de la veille, a été encore plus prématurée pour l’Italie, qu’elle a jetée de plein saut dans une lutte disproportionnée, avant qu’elle eût eu le temps de s’aguerrir, de recueillir et de développer ses forces. Deux ans auparavant, l’auteur des Speranze d’Italia, mettant courageusement à nu la plaie de son pays, avait insisté sur la nécessité de moraliser avant tout les masses pour les rendre dignes de la liberté. Il était entré sur l’éducation de ses compatriotes dans des détails pratiques qui parurent puérils à certains métaphysiciens, alors absens de leur pays, tout-à-fait étrangers à ce qui s’y passait, et qui ont toujours pensé que pour délivrer l’Italie il suffisait de lancer des harangues apocalyptiques du haut du Capitole. L’avenir décidera entre leur système et celui du publiciste piémontais, qui demandait que, sans tant de rhétorique, on enseignât à la jeunesse italienne le maniement des armes et la charge en douze temps. Ces grands citoyens sont à Rome aujourd’hui. Ils y débitent, depuis trois mois, leurs prophéties tout à leur aise, et nous n’avons pas vu les légions qui devaient sortir de terre sous les pas de ces nouveaux Pompées !

Les deux chefs du parti constitutionnel et du parti républicain se trouvaient à Paris au commencement de la guerre. M. Mazzini, peu de temps après la révolution de février, y avait fondé un club, qui, à l’instar des diverses réunions du même genre, avait la prétention de représenter la nation italienne, faisait des visites à l’Hôtel-de-Ville, drapeau en tête, et des allocutions au gouvernement provisoire, qui le haranguait avec le même sérieux qu’il eût pu employer vis-à-vis d’ambassadeurs accrédités. À un discours assez nébuleux de M. Mazzini, M. de Lamartine, on s’en souvient, répondit en félicitant hautement ces citoyens de l’Italie du généreux élan qui les poussait vers les Alpes et à la conquête de leur indépendance ; mais, en même temps que notre ministre des affaires étrangères donnait de si bonnes paroles et des passeports aux révolutionnaires italiens, il faisait tous ses efforts, c’est lui qui nous l’a dit, pour retenir le roi de Sardaigne. M. de Lamartine, lui aussi, croyait-il que la parole et l’idée seraient plus fortes contre les Autrichiens que les soldats piémontais ?

Ceux-ci étaient déjà devant Vérone, lorsque M. Mazzini transporta son club à Milan et commença à intriguer sur les derrières de l’armée italienne. Nous savons qu’avant de quitter Paris, M. Mazzini avait reçu des communications au nom du parti libéral et des constitutionnels : on l’invitait à ajourner jusqu’après la fin de la guerre toute discussion de principes qui ne pouvait être que dangereuse, et à user de son influence sur ses adhérens dans l’intérêt commun. M. Mazzini l’avait promis : il le déclara même en tête du journal qu’il fit paraître à son arrivée à Milan ; mais le naturel ne tarda pas à revenir au galop. M. Mazzini est un sectaire mystique et fanatique, une manière d’Arnauld de Brescia, esclave de l’idée, et qui, pour obéir à l’illumination intérieure, ne craint pas de mettre pieusement le feu aux quatre coins de l’Italie. Il le prouve bien en ce moment. À Milan, il se mit tout d’abord à saper, lui l’unitaire pur, la réunion de la Lombardie avec le Piémont. Les communes lombardes, consultées par voie de scrutin, avaient déclaré leur adhésion avec une admirable unanimité : c’était un grand acte de sagesse politique ; mais le suffrage universel ne fait pas toujours les affaires des rhéteurs. M. Mazzini et ses