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adhérens contestèrent la légalité de ce vote : suivant eux, l’union ne pouvait être décrétée que par une assemblée constituante des députés de la Lombardie et du Piémont réunis à Milan. Sur ce thème, l’Italia del Popolo fonda une longue et artificieuse polémique, qui n’eut malheureusement que trop d’influence sur les désastres du mois d’août. Au lieu de s’organiser et d’aller au feu, la jeunesse milanaise passa son temps à écouter les bavardages des coryphées républicains, à disserter sur l’excellence du système unitaire comparé au système fédératif, et à tonner contre l’ambition du roi Charles-Albert. Grace à ces controverses dignes du Bas-Empire, il n’y eut bientôt plus à discuter ni à statuer sur l’annexion. Nous n’avons pas à raconter ici la malheureuse fin de la campagne de 1847 ; notre intention est seulement d’indiquer le rôle que jouaient alors ceux qui ont soulevé l’Italie contre ses princes, sous prétexte que ceux-ci n’étaient pas assez bons patriotes. Quand M. Mazzini vit la déroute de l’armée piémontaise, croyant apparemment, suivant son expression, que la guerre des rois était finie et que celle du peuple allait commencer, il jeta sa plume et son journal, et saisit le mousquet. Un aventurier qui avait guerroyé à Montevideo, et qu’on renommait en Italie pour sa capacité militaire, venait d’arriver à Gênes et formait, depuis quelque temps, une légion qui, par parenthèse, n’a jamais paru en ligne nulle part : c’est probablement la raison qui poussa M. Mazzini à s’y enrôler. M. Mazzini se proclama bruyamment milite di Garibaldi ; puis, comme Radetzky s’approchait, le grand-prêtre de l’idée vint à penser que, s’il lui arrivait malheur, le peuple et la postérité pourraient bien lui demander un compte sévère de son imprudence. Il crut que son premier devoir était de se réserver pour des jours meilleurs : sans prendre congé de son capitaine, il se sauva à Lugano et s’enfonça ensuite dans les montagnes de la Suisse, d’où il envoya, quelque temps après, un souvenir à ses amis, sous la forme d’une petite brochure intitulée : Ai Giovani, Ricordi, di Giuseppe Mazzini.

Quels pouvaient être ces souvenirs que l’intrépide soldat de Garibaldi adressait à la jeunesse italienne du fond de sa retraite ? Ce n’étaient pas sans doute les récits des périls partagés avec elle. Aussi se gardait-il bien de toute allusion trop directe aux derniers événemens. Son livre, aux trois quarts rempli, suivant son habitude, de pompeuses dissertations sur les principes éternels qui président à la vie et à la mort des peuples, et d’autres thèses métaphysiques aussi hors de propos, n’avait d’autre but que de prouver aux Italiens que s’ils avaient été battus par les Autrichiens, c’était uniquement pour n’avoir pas su, avant de marcher à l’ennemi, se débarrasser de leurs princes, pour avoir entrepris une guerre royale au lieu d’une guerre du peuple, leur prédisant une semblable déroute tant qu’ils persisteraient à se livrer aux modérés, réformateurs pratiques, sages, qui n’étaient que les hommes d’un temps de turpitude ! La conclusion était une attaque violente contre ces traîtres modérés qui avaient eu la malveillance de discréditer et de combattre la politique de la jeune Italie, et dont tous les efforts tendaient, depuis plusieurs années, à corrompre, affaiblir et démoraliser le peuple. Grace à leurs intrigues, les glorieuses traditions de 1820 et 1831 étaient reléguées dans l’oubli, l’ame de la nation était énervée, et le lion populaire se trouvait muselé au profit des rois et des aristocraties, Le lion populaire est une image dont abuse fort l’éloquence démagogique par tous pays, et qui fait toujours son effet. Elle ne pouvait manquer en cette circonstance