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LES ÉTATS D’ORLÉANS.

retour à cet ancien moyen de gouvernement. Son avis allait soulever de vives controverses, lorsque le cardinal de Lorraine, contre l’attente de tout le monde, prit la parole pour demander, lui aussi, les états-généraux. Dès-lors il fut décidé, séance tenante, que les états seraient convoqués à Meaux dans un assez bref délai, et le roi signa sur-le-champ des lettres qui sommaient le roi de Navarre et le prince son frère de venir y siéger.

Pour la reine-mère, la nouvelle assemblée n’était qu’un moyen de poursuivre ses desseins contre MM. de Guise : elle espérait trouver à Meaux ce que Fontainebleau ne lui avait pas donné. Mais quel était le but du cardinal ? On se perdait en conjectures. Les habiles supposaient qu’il méditait quelque grand coup. Après l’échauffourée d’Amboise, faute de preuves suffisantes, et surtout faute de résolution, les Guise avaient laissé le prince de Condé protester de son innocence et quitter la cour en liberté. Le cardinal, disait-on, ne pouvait se consoler de cette occasion perdue. Songeait-il à la ressaisir ? pensait-il qu’appelé à prendre séance aux états, le prince n’oserait faire défaut ? était-ce un piège qu’il lui tendait, une revanche qu’il se ménageait ? Le bruit s’en répandit parmi les amis du prince, et des avis secrets lui en furent adressés.

Toutefois, en recevant l’ordre d’assister aux états, le roi de Navarre et son frère annoncèrent hautement l’intention d’obéir, et, peu de jours après, ils se mirent en marche ; mais ils faisaient si peu de route, cheminaient à si petites journées, qu’on pouvait presque augurer que jamais ils n’arriveraient. Les émissaires dont le cardinal les avait entourés lui donnaient d’alarmantes nouvelles. De tous côtés, disaient-ils, on venait offrir aux princes des secours en hommes et en argent ; leur parti grossissait à vue d’œil ; rien ne les empêchait de mettre la main, s’il leur plaisait, sur quelques bonnes villes ou châteaux-forts. D’un autre côté, il était bruit de troubles dans les Cévennes et en Provence ; Grenoble et Lyon paraissaient menacées d’attaques à main armée. Le maréchal de Saint-André fut envoyé en toute hâte dans le Lyonnais, et le maréchal de Termes en Poitou, pour avoir l’œil ouvert sur les rébellions et pour les châtier au besoin.

Pendant ce temps, tous les bailliages du royaume se préparaient à l’élection des députés. Dans plus d’une province, les dispositions des esprits semblaient peu favorables à MM. de Guise ; mais ceux-ci n’en concevaient point d’alarme : toute leur attention était tournée sur le voyage des princes et sur les agitations du midi.

La cour était alors à Fontainebleau. Un jour, on vint avertir le cardinal qu’un Basque, nommé Lassalgue, serviteur de M. de Condé et porteur d’un grand nombre de lettres adressées à son maître, venait d’être arrêté à la porte d’Étampes. Il était tombé dans les filets d’un de ses amis, un certain Bonval, agent secret de MM. de Guise. Bonval, en feignant de se laisser embaucher pour le service des princes, avait gagné sa confiance et avait appris de lui où il allait et ce qu’il portait. Aussitôt Lassalgue fut conduit en grand mystère devant le cardinal.

Au moment où la scène s’ouvre, le cardinal s’est renfermé dans son appartement, afin d’interroger lui-même le serviteur du prince de Condé.