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REVUE DES DEUX MONDES.
LA REINE-MÈRE.

Pourquoi ?

STEWART.

Il était trop homme de bien et le laissait trop voir.

LA REINE-MÈRE.

Dit-on qu’il coure gros risque ?

STEWART.

Je le crains ! Il a contre lui de bien mauvais témoins.

LA REINE-MÈRE.

Comment ! Quels témoins ?

STEWART.

D’abord six mille écus de rente sur l’Hôtel-des-Monnaies, puis deux belles maisons en ville et une troisième aux champs. Demandez à M. de Cypierre, il en sait bien le compte. Les gouverneurs de ville font un si bon métier depuis qu’il est de mode de leur donner les biens de ceux qu’ils ont fait pendre !

LA REINE-MÈRE.

Quelle idée ! M. de Cypierre est un galant homme ! Les biens du bailli n’ont que faire ici. Mais si, comme on l’en accuse, il voulait livrer la ville aux ennemis du roi…

STEWART.

Aux ennemis du roi ! Je demanderais lesquels ? Il y en a de tant de sortes…

LA REINE-MÈRE, bas à Mme  de Montpensier.

Concevez-vous, Jacqueline, que le cardinal laisse auprès de mon fils un homme comme celui-là ? Un huguenot ne parlerait pas mieux. Est-il des vôtres, par hasard ? Je donnerais gros pour que cela fût. Ce pauvre cardinal ! Vous figurez-vous ?… Que j’en rirais de bon cœur ! (À Stewart.) Quels sont donc, selon vous, les vrais ennemis du roi ?

STEWART.

Il ne m’appartient pas, madame, de prononcer sur de telles choses : je ne suis qu’un pauvre étranger mal instruit des affaires de France ; mais, si j’en crois ceux qui les connaissent, c’est un royaume bien malade. Le cœur m’en saigne pour ma bien-aimée maîtresse, sur qui je voudrais voir descendre les bénédictions de Dieu, (il prête l’oreille.) Voici, je crois, les premiers sons de la cloche d’argent. Que votre majesté me permette de courir au-devant de la reine.

LA REINE-MÈRE.

Allez, mon ami.

STEWART.

J’ai peu de goût aux fêtes et spectacles ; mais ne pas voir par ce soleil d’automne ma jeune souveraine faire son entrée en ville, j’en