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REVUE DES DEUX MONDES.
LE CARDINAL DE LORRAINE.

Venez à mon secours, madame.

LA REINE-MÈRE.

Vous voilà bien malheureux ; il vous dit que vous parlez d’or.

LE DUC DE GUISE.

Sans doute, et, dès qu’il ouvre la bouche, j’y suis le premier pris. Mais le plaisir n’est pas tout, il faut voir ce qu’il en coûte. Quand vous aurez parlé, cher frère, d’autres parleront : et pensez-vous que quelques phrases bien sèches et bien acres, comme celles de l’amiral à Fontainebleau, ne font pas plus de mal que le plus excellent discours ne peut faire de bien ? Mais passe encore pour les états : si vous vous en tenez là, il n’y aura que demi-mal.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Je prie la reine d’être juge entre nous : ai-je l’air d’un homme qui ne vit que pour parler ? On m’assassine, et je ne dis mot !

LE DUC DE GUISE.

Vous verrez, lorsqu’il sera question de ce concile national qu’on veut nous arracher, vous verrez si les raisons vous manqueront pour trouver utile, convenable et nécessaire, d’entrer en lice avec quelques méchans cuistres expédiés de Genève ?

LA REINE-MÈRE.

Mais s’il les réduit au silence ?

LE DUC DE GUISE.

Chimère ! on disputera sans s’entendre, et chacun sortira plus entêté que devant. Je sais bien, quant à moi, que tous les conciles du monde auraient beau dire et ordonner, jamais ils ne me feraient démordre de ma vieille façon de recevoir le très saint sacrement ni changer un seul mot dans mes prières.

LA REINE-MÈRE.

Juste Dieu ! monsieur le duc, notre saint-père n’a qu’à se bien tenir ! Pour peu qu’il n’allât pas à votre mode, vous chargeriez Mouchy de lui faire son affaire ! — Mais revenons à nos princes. Est-il donc vrai, parlons sérieusement, qu’il y ait l’ombre d’un risque à les laisser venir ?

LE DUC DE GUISE.

Votre majesté l’a dit avec raison, de vrais dangers, il n’y en a point ; seulement il arrive ici assez de gens incommodes pour que nous n’en souhaitions pas passionnément deux de plus. Mais, après tout, le roi est bien gardé : si, comme il n’est pas impossible, ses cousins se comportaient modestement, ce serait un bon exemple, qui pourrait ramener chacun au droit chemin.