de rappeler en regard les angoisses qui ont torturé la France depuis le 24 février. Parce que la force publique organisée nous délivre maintenant de la crainte du pillage, parce que les tribunaux punissent les empoisonneurs de l’intelligence et de l’ame du peuple, parce que les affaires sont à la veille de se relever, parce que les factions n’osent pas remuer les pavés de nos villes, il y a des gens qui disent aussi : Le moment est passé, tout s’arrange, le flot nous porte, laissons faire le temps. — Rien ne doit inspirer plus d’indignation et de mépris, plus de douleur et de crainte, que cette insouciance pusillanime. Aux hommes qui se contentent de l’apparence de l’ordre matériel ou plutôt d’une trêve dans le désordre, il n’y a qu’un mot à dire. Supposez que le pouvoir actuel parvienne à ramener la société dans la situation où elle se trouvait avant la révolution de février, et je fais une hypothèse chimérique : si elle ne trouve pas dans son sein des forces nouvelles, jamais la société ne pourra se replacer dans des conditions aussi faciles. Eh bien ! que gagnerait-on, je le demande, à conduire de nouveau la France à la veille d’un pareil lendemain ? Donc, point de fausse sécurité, point de lâche paresse. La France ne peut songer à se reposer tant qu’il n’y aura entre elle et la menace d’une révolution antisociale d’autre garantie que la loyauté et la fermeté d’un ministre, la fidélité et l’énergie d’un général, le bon esprit des troupes et le zèle de la garde nationale ; car les ministres les plus vigilans ont leurs momens d’imprévoyance, car le général le plus vigoureux peut se déconcerter une fois, car nous avons vu la garde nationale démoralisée et mystifiée par les factions, et des régimens désarmés. La situation actuelle n’a sur celle qui précédait le 24 février qu’un seul avantage. La France, alors aveuglée sur l’avenir, est maintenant prévenue. La veille, elle se fiait, pour sa défense, à ses institutions, à ses partis, à ses hommes d’état. Elle sait, depuis le lendemain, que le vieux mécanisme de ses institutions, les vieilles préoccupations de ses partis, les anciennes idées de ses hommes d’état, sont impuissans à conjurer les désastres suspendus sur elle. Encore une fois, elle ne peut être sauvée que par une héroïque initiative et une régénération immédiate et complète. Les événemens ont arraché à l’optimisme sa dernière excuse avec sa dernière illusion. Il n’y a pas de milieu : les prétendus hommes d’ordre qui voudraient déguiser le mal, les prétendus honnêtes gens qui ne seraient pas prêts à tous les efforts et à tous les sacrifices commandés par le salut commun, seraient des idiots ou des traîtres.
Pour connaître la situation actuelle de la France, il faut nécessairement se reporter au moment de la révolution de février. Le coup de