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la domination romaine l’empire de Charlemagne, d’affermir dans la ville éternelle et de glorifier par son hommage la papauté chancelante, d’arrêter par la victoire l’expansion de l’islamisme, de donner les Normands pour maîtres à l’île anglo-saxonne, d’entraîner derrière elle l’Europe chrétienne aux croisades. Monarchie, elle a ébranlé de ses luttes le monde moderne ; elle l’a ébloui de ses gloires. Les armes, les beaux-arts, les sciences, les lettres lui ont ceint le front d’une resplendissante auréole. Démocratie, elle a, de son souffle ardent, allumé l’incendie des révolutions et de la guerre. Abattue pour avoir abusé de sa force, foulée aux pieds de ses ennemis coalisés, elle avait dû demander à la paix la cicatrisation de ses blessures et le rétablissement de ses forces. Quelques années ont passé ; tout d’un coup, la terre tremble, la révolution en jaillit bouillonnante, irrésistible ; la commotion, propagée avec une rapidité inouie, soulève les empires les mieux affermis. Nul ne sait, à l’heure présente, où s’arrêtera cette immense convulsion.

Une nation qui a joué ce rôle capital dans l’histoire, dont l’influence, bienfaisante ou funeste, a été dans tous les temps comme électrique, une telle nation ne saurait s’abstraire des affaires du monde, pas plus dans l’avenir que dans le passé. Elle inspire trop d’inquiétudes ou de sympathies, trop de craintes ou d’espérances, pour ne pas donner aux événemens du dehors une attention mesurée sur l’active surveillance dont elle ne cessera pas elle-même d’être l’objet.

Quel sera désormais le caractère de sa politique extérieure ? Si nous avions personnellement à exprimer un vœu, ce serait que, puisant dans le sentiment même de sa force d’initiative un conseil de modération et de prudence, notre pays s’appliquât à écarter de ses relations extérieures toute pensée systématique d’agression. Au commencement du XVIIe siècle, après les guerres de religion qui avaient décimé le continent européen et mis la France aux bords de l’abîme, la paix devint l’objet de tous les voeux. Ceux-là même qui, voyant au-delà du temps présent, méditaient sur les moyens d’accroître dans l’avenir l’influence et la prospérité de la patrie, subordonnaient ces nobles desseins à la satisfaction des besoins impérieux du moment, la pacification des esprits et le repos des peuples. Pourquoi résisterions-nous au désir de citer une fois encore le chevalier de Razilly ? Dans le mémoire au cardinal de Richelieu, où il déposait la pensée première de l’organisation d’une marine pour la France, le spirituel marin disait, faisant allusion aux circonstances politiques : « Je sais très bien l’état en quoi tout est à présent, et le principal remède de remettre en splendeur la France, et de conserver le tout, est d’éviter toutes guerres étrangères et civiles, et, par le moyen d’une tranquille paix de dix années, remettant la navigation et un gouvernail au pauvre navire errant, suivant les avis ci-après déclarés, l’on pourra rendre le roy maître de la mer et redoutable par tout l’univers à toutes