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restauration l’a noblement inaugurée ; le gouvernement de juillet l’a poursuivie avec une patriotique fermeté ; la jeune république a mis le dernier sceau à la conquête, en déclarant l’Algérie territoire français, en y donnant l’essor à la colonisation. Tous les partis voudront maintenir leur œuvre commune ; mais, qu’ils le sachent bien, cette œuvre est, après l’appui prêté à l’émancipation dés États-Unis d’Amérique, le plus grand travail politique entrepris contre la prépondérance maritime de la Grande-Bretagne ; et alors, qu’ils préparent les moyens de soutenir ce qu’ils ont commencé. C’est la marine qui a produit l’indépendance américaine : la marine, en conservant l’Algérie à la France, affranchira la Méditerranée.

La liberté des mers, c’est là ce que nous devons désormais vouloir absolument ; rien au-delà. Ne parlons plus de lac français ; nous n’arriverions qu’à créer un lac anglais ou un lac russe. Louis XIV, vainqueur successivement de la Hollande, de l’Angleterre, de l’Espagne, de Gênes, des Barbaresques, de tout ce qui avait flotte au vent, a laissé l’Angleterre maîtresse de la mer. Napoléon, vainqueur de toute l’Europe, moins l’Angleterre, a eu jusqu’à 64 vaisseaux, 44 frégates, 80,000 hommes embarqués. Napoléon n’a réussi qu’à livrer plus étroitement aux armes de son implacable ennemie cette mer méditerranée qu’il avait appelée le lac français.

La France pèse d’un trop grand poids dans les destinées du monde comme puissance continentale pour qu’il lui soit permis d’être en même temps prépondérante à la mer. Elle aurait alors l’empire universel, et le monde a montré deux fois qu’il n’accepterait pas le joug.

La Grande-Bretagne, il est vrai, s’est maintenue en possession de la suprématie maritime ; mais elle est isolée du continent, et sa supériorité même, impatiemment supportée, a sa fin marquée dans son origine : la mer efface en un jour les flottes les plus orgueilleuses comme les plus humbles. D’ailleurs, l’Angleterre n’a pas les charges d’une armée de terre à supporter, et le fardeau des dépenses qu’elle consacre à son armée navale est ainsi relativement allégé. La France, au contraire, garde constamment sa frontière continentale ; c’est sa première nécessité. Elle ne peut donner à sa flotte que le superflu. Cette difficulté ne date pas d’hier ; les plus brillantes années du règne de Louis XIV sont remplies par les querelles de Colbert et de Louvois. Les deux ministres démontrent, l’un qu’il faut désarmer sur le continent pour donner une impulsion décisive à la guerre maritime, l’autre que la frontière du Rhin importe d’abord à la sécurité de l’état et à la gloire du souverain. Tout le génie de Colbert ne prévaut pas contre la loi de la nature, et, Colbert mort, la marine, alimentée par des ressources insuffisantes, s’épuise par ses victoires avant de succomber à ses défaites.

Napoléon voulut faire un suprême effort contre l’Angleterre. Il projeta