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offensée ! Et tout cela n’était que moquerie ! et tout cela n’est plus que fumée ! et je suis assez lâche pour en être amèrement chagrin ! Ah ! ma pauvre Limeuil, et vous toutes qui m’avez aimé, vraiment aimé, vous ririez bien de moi ! Croiriez-vous que je n’aspire pas même à partager le bonheur de mon royal cousin ? La plus modeste place dans un cœur, voilà tout ce que je demande, moi, Condé ! N’est-ce pas de la sorcellerie ? Un regard, un seul regard, me rendrait plus triomphant qu’une victoire en bataille rangée. Et dire que je ne l’aurai jamais, ce regard ! Morbleu ! du moins je ne le mendierai pas ! Il est temps de briser cette ridicule chaîne. J’ai beau garder mon secret, il finirait par m’échapper. Sainte-Foy a déjà des soupçons, Noblesse fait le mystérieux, vous verrez que Bouchard lui-même finira par s’en douter. Je deviendrais bientôt la fable de l’univers. Il faut trancher dans le vif. Ce n’est pas à Orléans, c’est chez moi, c’est à La Fère que je veux aller. Puisque j’y suis résolu, bien résolu, pourquoi tarder ? À quoi bon attendre le connétable ? Avertissons mes gens, et que dans une heure nous soyons tous délogés. Holà ! Sainte-Foy, Noblesse…


Scène VII.

Le même, NOBLESSE, entrant par la galerie.
NOBLESSE.

Monseigneur, voici M. Dardois qui monte les degrés.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Noblesse, entendez-vous avec Sainte-Foy pour que dans une heure tous nos gens soient prêts à partir et tous mes chevaux bridés. Allez, faites diligence.

NOBLESSE.

Oui, monseigneur. (Il sort.)


Scène VIII.

LE PRINCE DE CONDÉ, DARDOIS.
LE PRINCE DE CONDÉ.

Bonjour, Dardois. Viendriez-vous sans le connétable ?

DARDOIS.

Non, monseigneur. J’ai pris les devans au sortir de la forêt. Vous le verrez bientôt.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Je tremblais que par ces brouillards d’automne sa goutte ne lui eût joué quelque tour.