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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LE PRINCE DE CONDÉ.

Vous sentez, mon cher oncle, que je n’ai pas changé d’avis et de conduite sans avoir mûrement réfléchi. Je n’ai pas pour habitude de tourner à tous les vents.

LE CONNÉTABLE.

Eh bien ! que la volonté de Dieu soit faite ! Ce n’est pas d’aujourd’hui, après tout, qu’il vous frappe d’aveuglement. Vous pouvez vous vanter l’un et l’autre de n’avoir jamais manqué d’agir au rebours de la raison, et je ne vous sais habiles qu’à perdre vos affaires et à ruiner vos amis. Puisque vous avez si grande hâte d’aller en cour, que n’y veniez-vous il y a deux mois, à Fontainebleau ? La partie était belle alors. En entrant avec mon escorte, je les ai fait pâlir. Ils se sont abaissés devant moi jusqu’à confesser du désordre dans leur gestion des affaires ; ils nous ont concédé les états. En un mot, moi seul, je les traitais en petits garçons. Vous présens, nous les aurions chassés. Mais non, vous vous trouviez bien à Nérac. J’ai eu beau pester contre vous, ni lettres, ni messages ne vous en ont fait sortir. Et aujourd’hui, quand il est manifeste que vous ne pouvez rien à Orléans, rien que vous faire prendre comme de pauvres souriceaux, il faut, parce que c’est une folie, que vous vous y entêtiez ! Il y a du sortilège là-dessous ! Croyez-moi, vous êtes endiablés, mes amis ; ou plutôt vous avez affaire à des sorciers que je connais un peu, et que le trésorier de MM. de Lorraine doit connaître encore mieux que moi.

LE ROI DE NAVARRE.

Toujours vos soupçons, connétable ?

LE CONNÉTABLE.

Oui, je le soutiens, et bientôt j’en aurai les preuves ; vous êtes trahis, vous êtes vendus à beaux deniers.

LE ROI DE NAVARRE.

Mais par qui ?

LE CONNÉTABLE.

Par tout ce qui vous approche. Cherchez qui vous prêchait de rester à Nérac il y a deux mois, voyez qui vous pousse à partir pour Orléans aujourd’hui, et vous saurez de qui je veux parler.

LE ROI DE NAVARRE.

Non, vraiment. Descars et Jarnac, qui vous déplaisent tant, ne nous ont pas suivis.

LE CONNÉTABLE.

Et leur ami, ce fin matois de chancelier…

LE ROI DE NAVARRE.

Qui ? Bouchard ! je ne sache pas qu’il m’ait excité à me rendre aux états.