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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LA REINE.

Grand Dieu ! que faites-vous… on vous voit… parlez plus bas !

LE PRINCE DE CONDÉ, à voix basse.

Cruelle femme ! je croyais qu’une autre ame habitait ce corps divin ! et c’est la mort pour moi, la seule, la véritable mort, d’avoir été trompé par vous !

LA REINE, à voix basse.

Par moi ! mais non, non, encore une fois non. Quelle horrible torture !

LE PRINCE DE CONDÉ, lui présentant de nouveau le cachet.

Prenez, madame, il peut encore servir à faire mourir quelqu’un.

LA REINE, avec énergie, mais à voix basse.

Assez, monsieur, c’est trop de cruauté. Cessez, ou je me perds devant toute cette cour… Est-ce là ce que vous voulez ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Que dites-vous ?

LA REINE, d’une voix étouffée.

Quand ils entendront de ma bouche que cette lettre, c’est malgré moi qu’elle vous fut adressée ! quand j’aurai dit tout haut que seule, à l’insu de tous, j’ai voulu vous sauver ; oui, moi ! Me croirez-vous alors ?…

LE PRINCE DE CONDÉ.

Qu’entends-je ?

LA REINE.

Vous n’êtes ici, sachez-le, que par une infernale méprise dont je n’ai pas le secret. Ce bijou que vous voulez me rendre, il devait vous dire : Ne venez pas… ne venez pas, si… vous m’aimez.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Dieu !

LA REINE.

Le garderez-vous maintenant ?

LE PRINCE DE CONDÉ, à demi-voix.

Ah ! n’ajoutez rien… Ne m’enlevez pas un bonheur auquel je ne puis croire… Est-ce un rêve ? Faut-il douter encore ?… Non, non ! voilà un regard qui m’a ouvert le ciel !

LA REINE, à part.

Dieu ! qu’ai-je fait !…

LE PRINCE DE CONDÉ, se retournant vers Chavigny.

Monsieur de Chavigny, voici mon épée. — Je m’en remets de tout à Dieu. C’est de lui que je recevrai assistance et secours. (A demi voix.) Il vient de m’apprendre trop bien qu’il ne m’abandonnait pas. (Haut.) Marchez, monsieur, je vous suis.