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tout le monde reconnaît la justice d’une chose et la veut, cette chose est faite. En Italie, la grande œuvre de notre régénération se peut conduire les mains dans les poches[1]. »

Ces invitations, si modérées, si fermes cependant, n’étaient pas les seules adressées aux peuples italiens. Avant les ouvrages de MM. de Balbo et d’Azeglio avait paru le livre de M. l’abbé Gioberti, intitulé del Primato civile et morale d’Italia. Si, dans quelques parties de cet ouvrage, l’auteur avait critiqué sévèrement l’administration temporelle de Grégoire, il avait du moins montré pour le pouvoir du saint-siège la plus respectueuse déférence ; il avait comme mis à l’avance sous l’égide du père commun des fidèles les libertés et l’indépendance futures de l’Italie. Tous ces écrits, moitié défendus, moitié tolérés par les polices italiennes, étaient recherchés avec avidité ; ils avaient inondé toutes les villes, et, de proche en proche, ils étaient passés jusqu’aux mains des plus pauvres citoyens. Les membres du clergé n’étaient pas eux-mêmes les agens les moins actifs de cette propagande nouvelle. Les Ventura, les Mazzani, les Galuzzi, prédicateurs célèbres et populaires, avaient levé du haut de la chaire l’espèce d’interdit religieux qui avait jusqu’alors frappé les idées libérales. Si le bruit un instant répandu de l’élévation du cardinal Gizzi au pontificat avait été accueilli avec faveur, si les Romains applaudirent plus tard à son installation au poste de secrétaire d’état, c’est qu’il avait été nommé avec éloge dans le livre de M. d’Azeglio, c’est qu’il passait, à bon droit, pour un des membres du sacré collége les plus éclairés et les plus décidés à travailler efficacement à la grande alliance du catholicisme et de la liberté. Ces faits suffisent sans doute à expliquer et les transports de la multitude et les espérances des hommes plus réfléchis qui assistaient à l’avènement de Pie IX. Qui ne se serait figuré l’avenir paisible, en voyant chez le souverain tant de bonne volonté, chez les sujets tant d’affection et de si faibles exigences ! Se penchant à l’oreille du représentant de la France, le cardinal Ferretti, ami et parent du nouveau pape, avait pu lui dire, avec une confiance trop naturelle en un pareil instant : « Soyez tranquille, monsieur l’ambassadeur, nous aurons les chemins de fer et l’amnistie, et tout ira bien. »

L’amnistie fut l’œuvre personnelle du pape. Publiée un mois après son élection, elle donnait la mesure de la clémence infinie du nouveau pontife. Les portes de la patrie étaient rouvertes à plus de quinze cents exilés. Il n’était pas immédiatement prononcé sur le sort d’un petit nombre de coupables, mais tout espoir était loin de leur être interdit. Le préambule du décret, écrit en entier, disait-on, de la main de Pie IX, était d’un esprit large et généreux. La veille, l’ambassade

  1. Degli ultimi Casi di Romagna, di Massimo d’Azeglio. (Capo di Lago, 1846.)