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l’accomplissement des améliorations promises serait désormais une cause à peu près certaine de troubles ; que, si, au contraire, un commencement d’exécution venait rassurer les esprits, je ne doutais pas qu’on ne laissât au saint père tout-le temps nécessaire pour procéder avec la lenteur et la maturité convenables. J’ajoutai que la création d’un gouvernement central et d’un cabinet me paraissait la mesure à la fois la plus urgente et la plus rassurante pour l’opinion[1]. »


Au moment où M. Rossi traçait ce plan de conduite, aucune question dangereuse n’avait encore été soulevée à Rome. Les meneurs de l’opinion, préoccupés de réformes intérieures, administratives et financières, n’avaient point mis en avant des prétentions exagérées. Exécuté en temps opportun, un système de réformes partielles et successives aurait à peu près satisfait tout le monde. Il n’en fut pas long-temps ainsi. Vers la fin de l’année 1846, affluèrent à la fois les anciens condamnés politiques, amnistiés par le décret du 16 juillet, bon nombre d’Italiens que leurs opinions avaient jusqu’alors retenus hors de leur pays, et cette foule de visiteurs que l’hiver ne manque jamais d’attirer à Rome. L’influence des nouveaux arrivés ne tarda pas à se faire sentir. L’impulsion donnée aux esprits en fut non-seulement accélérée, mais profondément modifiée. Jusqu’alors, le mouvement réformateur, sorti, comme nous l’avons vu, des entrailles mêmes de l’Italie, était resté national, sans mélange d’élémens exotiques. Les étrangers, par leur manière quelque peu méprisante de parler des demi-concessions du pape ; les réfugiés, par les habitudes d’opposition qu’ils avaient contractées dans la société des radicaux de France et d’Angleterre, par leurs tendances révolutionnaires, tournèrent peu à peu les yeux des Romains vers de nouvelles perspectives. Les exilés rentrés, tout en prodiguant à la personne même du saint pontife les témoignages d’une reconnaissance sans bornes, faisaient efforts pour lui imposer une politique qui ne pouvait être la sienne. Ils se montraient constamment hostiles aux opinions modérées. Avec cet instinct merveilleux qu’ont toujours les partis pour reconnaître leurs vrais et dangereux adversaires, ils s’attachèrent d’abord à ruiner, dans l’opinion publique, l’influence tutélaire que nous cherchions à exercer à Rome et à tourner vers l’Angleterre les regards des libéraux italiens. Un de leurs artifices ordinaires était de traduire et de répandre à profusion des articles du Times, dont les éloges exagérés contrastaient avec le ton moins bienveillant de quelques journaux français qui, à tort ou à raison, avaient eu le malheur de blesser profondément les susceptibilités italiennes. On ne parlait pas encore d’institutions constitutionnelles, dont nulle part, en Italie, le nom n’était alors ostensiblement prononcé ; mais on

  1. Dépêche de M. Rossi à M. Guizot, 18 décembre 1845,