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reproches sur tous les visages. À ces symptômes, dont le cœur du saint père souffrit cruellement, le gouvernement du saint-siège comprit son erreur ; il lui fallut la racheter. Pour regagner sa popularité perdue, il annonça que l’on allait procéder à l’organisation de la garde civique et à l’installation d’une municipalité romaine. Quelques jours plus tôt, une seule de ces mesures eût complètement contenté l’opinion publique ; à elles deux, elles suffirent à peine à ramener un peu de calme dans les esprits.

Cependant une journée s’approchait que tous les bons citoyens redoutaient. Il avait été convenu de donner une grande fête au pape le 16 juillet, jour anniversaire de l’amnistie, et chacun savait que les fauteurs ordinaires de troubles comptaient tirer grand parti de cette manifestation, qui, par le nombre des personnes, devait dépasser toutes celles qui l’avaient précédée. En effet, la veille, quand tout était à peu près disposé pour la solennité, des bruits étranges, précurseurs ordinaires des grandes commotions populaires, coururent la ville. Des écrits à la main, placardés sur les murs, annonçaient au peuple que la faction dite rétrograde avait choisi le jour de la fête pour provoquer une rixe sanglante entre le peuple et les troupes pontificales. On allait jusqu’à désigner le nom des prétendus conspirateurs, parmi lesquels on citait le cardinal Lambruschini, le colonel et le lieutenant-colonel des carabiniers, et jusqu’au gouverneur même de la ville de Rome, monseigneur Grassellini. L’animation était excessive dans tous les esprits, la terreur vive chez tous les honnêtes gens ; il n’y avait pas de temps à perdre : Heureusement le parti modéré sut se mettre hardiment et habilement en avant. La garde nationale non encore organisée se constitua elle-même immédiatement. Les hommes les plus considérables de Rome, les membres principaux de la noblesse, se mirent à la tête du mouvement. Les Rospigliosi, Rignario, Borghese, Aldobrandini, Piombino, ouvrirent les vastes rez-de-chaussée de leurs palais aux bataillons de cette milice improvisée, et en acceptèrent le commandement. Le duc de Rignano (le même qui joua depuis un rôle important dans le cabinet romain qui précéda M. Rossi) rédigea et persuada, non sans peine, aux meneurs populaires de signer une pétition qui demandait au saint père la remise de la fête. Une fois les premiers noms apposés, la pétition fut à l’instant couverte de milliers de signatures. En même temps, parmi les personnes accusées de complot, les unes prenaient la fuite, les autres venaient se constituer elles-mêmes prisonnières aux mains de la garde civique, plusieurs étaient arrêtées et gardées à vue dans les corps de garde établis à chaque coin de rue. C’était peut-être le seul moyen de leur sauver la vie. Ainsi furent évités les désordres que l’on avait tant appréhendés ; mais, il faut le dire, si la journée avait été bonne pour le parti des gens d’ordre,