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juste susceptibilité de souverain temporel. En laissant même de côté la question résultant de l’interprétation des traités, il avait tout motif de protester contre le procédé employé. Le saint-siège protesta en effet en termes énergiques au double point de vue du droit et de la forme, et une soudaine et retentissante publicité fut donnée à cette protestation. En donnant ainsi carrière à leur sincère indignation, en cherchant à grandir plutôt qu’à diminuer les proportions du conflit survenu avec l’Autriche, les conseillers du pape ont-ils suivi les inspirations de la raison : ont-ils servi habilement les intérêts de leur souverain ? Il est permis d’en douter aujourd’hui. S’ils s’étaient figuré donner le change à l’opinion publique, détourner l’attention des mesures administratives intérieures, et changer utilement pour Pie IX le rôle de pape réformateur contre celui de chef de la nationalité italienne, les événemens ne se sont que trop chargés de montrer la vanité de ces calculs En réalité, et quoi qu’il en soit des intentions, la direction des affaires passa à cette époque aux mains des exaltés. Forts de l’appui inattendu qu’ils trouvaient dans le gouvernement pontifical, exploitant l’exaltation causée, dans les populations des légations, par les préparatifs de défense militaire, ils poussèrent résolûment à la guerre contre l’Autriche. Le nouveau mot d’ordre partout répandu fut partout reçu avec enthousiasme. Au cri de vivent les réformes ! poussé dans toutes les démonstrations populaires, vint s’ajouter cet autre cri plus populaire encore de vive l’indépendance italienne ! De particulier aux états romains, le mouvement devint général ; il gagna tous les autres états de la péninsule. Chaque jour se posait davantage ce que, dans la discussion de l’adresse de 1848, M. Cousin appelait la redoutable question du remaniement des territoires. Les populations entraînaient leurs gouvernemens à la remorque dans une voie fatale.

À Florence, une émotion assez grande était entretenue par le voisinage des troupes pontificales réunies à Forli. À Livourne, les esprits étaient plus montés encore ; mais nulle part dans la Toscane des hommes pervers n’étaient encore parvenus à troubler le sens d’une population ordinairement paisible et confiante dans son souverain. En rendant plus douce la censure, qui n’avait jamais été bien sévère, en apportant quelque changement dans le personnel d’une administration dont la douceur était proverbiale, Léopold avait donné à l’opinion de ses peuples toute la satisfaction qu’ils réclamaient alors. D’ailleurs, quand surgissait la question de l’indépendance, ce n’était pas vers la Toscane, mais vers le Piémont et sur le roi Charles-Albert que se tournaient naturellement tous les regards.

Ceux-là même qui caressaient le plus étourdiment la chimère d’une croisade universelle contre la domination des Autrichiens en Italie, savaient parfaitement que toute tentative était insensée, toute réussite