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M. Hippolyte Flandrin, vient en effet d’ajouter un précieux titre à ceux qui avaient commencé la célébrité de son nom. Chargé de décorer le chœur de l’église Saint-Paul de Nîmes, il a prouvé une fois de plus combien les grandes épreuves de la peinture monumentale profitent à un talent bien doué, et quelle vigueur, quelle maturité, quelles ressources nouvelles, en un mot, doit y déployer une imagination fortement préparée par l’étude. Il y a plusieurs années déjà que des juges éclairés indiquaient cette voie comme la plus féconde. Ils désiraient que les artistes sérieux pussent donner l’essor à toutes leurs facultés dans la méditation d’une œuvre de longue haleine, au lieu de passer trop vite d’une étude à l’autre dans une série de compositions diverses. Ils montraient quel avantage il y a pour le peintre à s’enfermer long-temps au sein d’une œuvre unique, à en chercher le vrai style, et, une fois maître de la forme, à la réaliser sans peine, sans effort, avec le calme sentiment de la puissance, sur toute l’étendue d’un vaste poème. C’est M. Gustave Planche qui, le premier, si je ne me trompe, à l’occasion des travaux de M. Delacroix à l’ancienne chambre des députés, proclamait, il y a douze ans, cette importance de la peinture monumentale, et demandait que l’école française pût y trouver de nouveaux et glorieux développemens[1]. Des voix bien autorisées sont venues se joindre à la sienne ; en appréciant ici même avec une distinction parfaite le brillant hémicycle de M. Delaroche à l’École des Beaux-Arts, M. Vitet ajoutait aux raisons dogmatiques l’enseignement de l’histoire ; il citait les exemples de Pérugin à Pérouse, de Raphaël au Vatican, d’André del Sarto à l’Annunziata de Florence, de Léonard de Vinci à Milan, et il concluait ainsi : « Puissent donc tous ceux qui, aux divers degrés du pouvoir, ont mission de protéger les arts, comprendre combien il serait utile que tous ces encouragemens qu’on éparpille en petites sommes fussent concentrés sur un certain nombre de monumens dont on confierait la décoration tantôt à nos maîtres les plus habiles, tantôt aux jeunes gens de plus haute espérance ! Et ce n’est pas seulement à Paris, c’est par tout le royaume qu’il faudrait en faire l’essai. N’y a-t-il pas en province des églises, des hôtels-de-ville, des tribunaux, dont les murailles pourraient se couvrir soit des scènes sacrées de la religion, soit des hauts faits de notre histoire ? Et ne serait-ce rien, pour enflammer une ame d’artiste, que l’honneur d’une telle mission, et l’espoir de faire une œuvre qui devienne un jour pour toute une ville un sujet d’orgueil et d’illustration[2] ? » Je n’ai pu résister au plaisir de citer ces paroles qui, tracées il y a huit ans, nous servent à marquer nos progrès. Depuis le jour où M. Vitet exprimait ce vœu, les travaux de M. Delacroix au Luxembourg, de M. Ingres à Dampierre, de M. Hippolyte Flandrin à Saint-Germain-des-Prés, ont justifié les espérances que faisait concevoir cette éducation du talent par la peinture murale. Quant aux villes de province, il y en a une qui a dignement répondu à l’appel que je viens de transcrire, c’est celle qui a confié au peintre de Saint-Germain-des-Prés le chœur de l’église Saint-Paul. Célèbre déjà par tant de précieux monumens, la ville de Nîmes ne regrettera pas l’intelligente sollicitude de ses administrateurs ; les peintures de M. Flandrin lui seront bientôt une illustration nouvelle et le plus légitime sujet d’orgueil.

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 juin 1837.
  2. Revue des Deux Mondes du 15 décembre 1841.