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dit Bossuet, monte magnifiquement dans l’espace infini. Le mouvement de ses bras levés à la hauteur de la tête, ses pieds rapprochés sans raideur, la souplesse harmonieuse de tous ses membres, expriment avec une clarté parfaite le mystique élan qui l’emporte et le soutient sans effort. Ses regards plongent vraiment dans les profondeurs éthérées ; voilà bien l’extase de l’ame dans les royaumes, de l’idéal. Deux anges complètent la scène ; agenouillés, les mains jointes, les ailes étendues, on dirait de vigilans gardiens chargés d’intercepter les rumeurs d’en bas et de protéger la contemplation de l’apôtre.

La galerie correspondante offre une disposition analogue. En face de la procession des martyrs se déploie, avec une grace charmante, la procession des vierges sages. Elles tiennent dans leurs mains les mystiques lampes dont elles n’ont pas renversé l’huile. Les unes s’avancent les yeux baissés, les autres dirigent leurs regards vers l’hémicycle où l’artiste a peint le couronnement de la Vierge. Dans ses travaux de Saint-Germain-des-Prés, en dessinant les cartons des vitraux, en peignant cette jeune reine qui porte dans ses mains le modèle de l’église, M. Flandrin avait montré déjà une aptitude particulière pour ces créations élégantes ; la grace exquise, la poétique sérénité des vierges de l’église Saint-Paul, ne surprendront pas ceux qui ont suivi les progrès de son talent. Un peu plus haut, le peintre a placé, comme dans la galerie des martyrs, deux anges, ou, si l’on veut, deux vertus, qui semblent les guides naturels de ce groupe si harmonieux et si pur. La première est la Chasteté et la seconde l’Amour divin. L’ange de la chasteté est un type d’une candeur céleste, et celui qui représente l’amour divin exprime à merveille le calme de la possession suprême, la béatitude que rien ne vient plus troubler. La beauté recueillie de ces deux figures forme un contraste heureux avec la virile énergie des deux anges qui dominent le groupe des martyrs. Enfin le couronnement de la Vierge, qui termine cette galerie comme le ravissement de saint Paul termine la galerie de droite, est une scène d’une suavité adorable. Comment ne pas être touché du recueillement naïf de la Vierge, de la douceur infinie qui règne sur la physionomie de Jésus ? En couronnant celle qui fut sa mère ici-bas, le Christ est pénétré d’attendrissement, et il serait impossible d’offrir la couronne avec une délicatesse plus tendre, de la donner, j’ose le dire, avec plus de timidité et d’amour. Les maîtres italiens ont conçu de deux manières ce gracieux sujet. Les uns illuminent les profondeurs du ciel pour couronner plus glorieusement la mère du Christ, et c’est au milieu des anges et des rayons d’or qu’elle reçoit le diadème ; les autres, ne représentant que Jésus et la Vierge, donnent à la scène un aspect plus familier et semblent préférer les nuances de l’expression moitié divine et moitié humaine à toutes les splendeurs mystiques du paradis. C’est ce dernier parti qu’a adopté M. Hippolyte Flandrin. Il n’y a point de légions d’anges agenouillés autour du groupe sacré, point de ciel éblouissant, point de trônes et d’ornemens symboliques. N’ayant à sa disposition qu’un espace assez restreint, le peintre n’a voulu ni amoindrir ses personnages, ni distraire l’attention du spectateur ; tout l’intérêt se concentre sur la Vierge agenouillée et sur le Christ qui s’incline vers elle. Fidèle ici comme dans le reste de son œuvre à cette sobriété de lignes qui est le vrai style de la peinture monumentale, il semble pourtant s’être attaché d’une façon plus particulière à l’idéale candeur de l’expression. M. Flandrin