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les force à se mettre à genoux pour implorer la miséricorde de Dieu est de la plus grande beauté, ainsi que la prière en chœur qui vient après. Quant à l’hymne de triomphe que Jean de Leyde entonne d’une voix émue et puissante, c’est une phrase d’une couleur vraiment biblique, que Marcello et Haendel seraient heureux d’avoir trouvée.

C’est au quatrième acte que commence réellement l’intérêt dramatique. Au lever du rideau, la scène représente une place publique de la ville de Munster, où se promène une foule de bourgeois qui s’entretiennent du grand événement du jour, de la prise de leur ville par les anabaptistes et du couronnement de leur chef comme roi-prophète. L’un d’entre eux aperçoit une pauvre femme assise sur une borne, qui demande l’aumône aux passans. Elle voudrait faire dire une messe pour le repos de l’ame de son fils unique, qu’elle croit avoir été immolé par l’ordre du faux prophète. Cette pauvre femme, c’est Fidès, la mère de Jean de Leyde, qui exprime sa douleur par une romance dont la mélodie est touchante, bien qu’un peu tourmentée. Un jeune pèlerin, qui paraît accablé de fatigue, arrive lentement sur la scène où Fidès est restée seule, en proie à sa douleur. Ce pèlerin n’est autre que Berthe, la fiancée de Jean, qu’on a eu le temps d’oublier depuis le second acte, où elle a complètement disparu. Dans le duo qu’amène la reconnaissance de ces deux femmes, nous voudrions n’avoir pas à signaler un style trop fleuri et des vocalises souvent trop compliquées. C’est à des hommes tels que M. Meyerbeer qu’il appartient de résister aux caprices des virtuoses et d’imposer une volonté au goût équivoque des cantatrices.

Après cette scène où Berthe et Fidès se sont communiqué l’horreur que leur inspire le faux prophète dont on prépare l’exaltation, un incident, qu’il est difficile d’expliquer, vient encore séparer ces deux femmes qui ont eu tant de peine à se retrouver. Un changement à vue introduit le spectateur dans la cathédrale de Munster. Une grande magnificence éclate de toutes parts : au fond de la nef, on voit s’avancer le prophète tête nue, habillé de blanc et précédé des hauts dignitaires de l’empire. Une marche symphonique de la plus grande beauté accompagne le cortége qui pénètre dans le chœur jusqu’au maître-autel invisible au public. C’est alors que Fidès entre dans l’église et vient s’agenouiller sur le devant de la scène. Plongée dans la prière, elle se relève tout à coup au bruit de l’orgue, des clairons et des trompettes. En entendant les voix des chœurs chanter le Domine salvum fac regem nostrum prophetam ! son ame chrétienne s’indigne de tant de profanation, et elle maudit l’imposteur par une phrase de récitatif du style le plus élevé

Grand Dieu, exaucez ma prière !
Qu’errant, misérable et proscrit,