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Et pourtant que d’esprit, d’imagination, de style, se dépense pour bercer par des pages éphémères un vieux peuple qui demande, comme les enfans, des contes de fée !

Mettons à part, et bien haut, quelques ouvrages d’imagination qui ont eu à la fois les plus douces faveurs du tour d’esprit du temps et l’approbation sévère de l’esprit humain, la popularité et la gloire, poésies ou suaves ou splendides, méditations, odes, pièces de théâtre, romans d’observation ou de passion, et en tête Atala, René, types durables, parce que la mélancolie qu’ils expriment n’est qu’une des, misères éternelles de l’homme. — De quel côté sont les noms qui survivront ? Du côté où l’on a travaillé pour l’esprit humain. Les complaisans du tour d’esprit, après un premier oubli inévitable, n’auront guère que la chance de ces modes nouvelles qui ne sont que de vieilles modes renouvelées ; un tour d’esprit les ressuscitera, un autre tour d’esprit les fera derechef oublier.

Le nom de M. Saint-Marc Girardin sera sur la liste des noms qui doivent durer, car, à moins que nos enfans ne soient d’une autre nature que nous, j’imagine qu’ils chercheront dans nos livres ce que nous cherchons dans ceux de nos pères : le cœur humain, l’esprit français, la langue. Le cœur humain ? Il se reconnaîtra toujours, dans ces charmantes pages, aux mille traits qu’il y a fournis. L’esprit français ? Aucun ouvrage de ce temps-ci n’en a plus la netteté, le sens pratique, le naturel, le tour vif et élégant ; c’est tout l’auteur. La langue ? Elle ressemble à celle du meilleur temps, avec la physionomie de l’écrivain et quelques nouveautés solides qui font que cette ressemblance n’est pas une imitation.


NISARD.