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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LA REINE.

À l’échafaud… ce soir peut-être, à coup sûr demain !

LA REINE-MÈRE.

Ma pauvre enfant, la peur que vous en avez vous a fait mal entendre !

LA REINE.

La peur que j’en ai !… Ah ! madame, n’aurais-je pas mieux fait de me taire ?

LA REINE-MÈRE.

Marie ! qu’avez-vous donc compris ? Marie !…

LA REINE.

Et si je vous disais que c’est notre cousin de Navarre qui tombera le premier !

LA REINE-MÈRE.

Navarre ?

LA REINE.

Faites qu’il n’aille pas à cette chasse si vous voulez qu’il vive.

LA REINE-MÈRE.

Voyons, Marie, ma fille, ne parlons pas par énigmes. Vous avez vu le roi, il vous a dit…

LA REINE.

Que le procès du prince allait marcher enfin… que demain au plus tard…

LA REINE-MÈRE, l’interrompant.

Laissons là le procès… parlez-moi de Navarre… il est libre, on peut l’avertir… Pour Dieu ! sauvons au moins celui-là !

LA REINE.

Mais… son frère… madame !…

LA REINE-MÈRE.

Nous y viendrons plus tard. Voyons, rappelez-vous… que vous a dit mon fils ?

LA REINE.

Ce qu’il m’a dit ?… Vous savez, par momens, on ne juge pas bien s’il veut rire ou s’il est sérieux. Il me parlait du roi son oncle, de la faveur qu’il lui faisait de le conduire à la forêt, de criminels conseils qu’il avait repoussés, que sais-je encore ? puis tout à coup il ajouta : « Si malheur lui arrive en chasse, je m’en lave les mains ; les sangliers sont de méchantes bêtes qui s’en prennent aux rois aussi bien qu’aux piqueurs… » et comme je m’écriais : Quel détestable crime ! il me dit que j’étais bien sotte et qu’il s’amusait de moi.

LA REINE-MÈRE.

Mais vous avez dû voir…

LA REINE.

Oui, ma mère, oui, j’ai vu… que j’avais deviné !