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REVUE DES DEUX MONDES.
LA REINE-MÈRE.

Mon Dieu ! j’y vois clair aussi. Oui, c’est un coup monté. Le malheureux ! Voilà midi… dans un instant vous partirez… que faut-il faire ? — Par bonheur, la duchesse est chez moi ; elle peut tout lui dire… Non, non, il n’ira pas : la prison de son frère lui servira d’excuse… — Adieu, ma fille ! je vais, je cours et je reviens… Rassurez-vous, tout à l’heure nous parlerons du procès. (Elle sort.)



Scène X.

LA REINE, seule.

Sera-t-il temps, mon Dieu ! sera-t-il temps encore ?… Mais qu’importe à la reine ? pourvu qu’elle sauve son Navarre, que lui faut-il de plus ?… — Hélas ! elle a raison de ne penser qu’à lui ; il peut encore être sauvé… tandis que cette prison !… quel est le pouvoir humain qui en briserait les portes ? — Mon Dieu ! de qui réclamer secours ? à qui demander seulement un conseil ?… Personne autour de moi ! personne !… Si du moins je pouvais prier !… Mais je n’ose… je rougis d’avouer à Dieu la peine que je ressens !… je ne peux qu’attendre et me taire ! attendre que l’heure ait sonné !… et je ne saurai même pas, jamais je ne saurai si, en mourant, il m’aura pardonnée !… (Elle s’assied comme abattue par l’émotion et ne s’aperçoit pas que le duc de Guise vient d’entrer.)



Scène XI.

LA REINE, LE DUC DE GUISE.
LE DUC DE GUISE, s’avançant sans être vu de la reine.

Eh bien ! ma chère Marie, qu’avez-vous donc ?

LA REINE, sortant de sa rêverie.

Moi, rien… Ah ! mon oncle, c’est vous ?

LE DUC DE GUISE.

Je viens, pendant que le roi s’habille, vous dire un mot de bonne amitié. Prenez-y garde, Marie, vous vous préparez des ennuis, de vrais chagrins peut-être.

LA REINE.

Moi, mon oncle ?

LE DUC DE GUISE.

Le roi vous a quittée tout à l’heure plein de trouble et de colère. Pourquoi cela ? Les querelles, si légères qu’elles soient, ne ravivent point l’amour, et l’éteignent bien souvent. Vous savez comme ce pauvre François a été gâté dans son jeune âge, comme il est faible de santé ; il faut lui passer bien des choses, ma chère enfant.