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visages des braves enfans de la Savoie ; ils restèrent impassibles sous le feu des tirailleurs ennemis ; puis, lorsque, arrivées à cinquante pas, les colonnes autrichiennes étonnées voulurent se déployer, un terrible feu de file s’ouvrit au commandement du général ; en même temps, l’artillerie tonna à droite et à gauche : les ennemis prirent la fuite en désordre. Le régiment de Savoie s’ébranla et se jeta à la baïonnette sur les colonnes dispersées. Le soldat voulait poursuivre à outrance ; mais le régiment était seul, sans soutien : il eût été imprudent de le laisser s’avancer sans pouvoir lui porter secours. On ordonna aux officiers de reprendre leur première position, et ils ramenèrent de force leurs soldats derrière le ravin. Je me trouvais à la gauche de ce beau régiment lorsqu’il fut attaqué, et je le suivais lorsqu’il vint reprendre sa position. Un soldat me dit : « Mon officier, pourquoi ne pas nous laisser prendre Gambolo ? — Mon ami, répondis-je, parce que, n’ayant rien pour vous soutenir, on ne veut pas risquer la vie de braves gens tels que vous. — Est-ce que Savoie a besoin de soutiens ! » Je fus charmé de cette bravade ; une telle assurance est toujours de bon augure au début d’une campagne.

Après ce court, mais rude engagement, le combat se prolongea sur la ligne, par un feu assez vif de tirailleurs, jusque vers six heures et demie du soir. La brigade Savone et la quatrième division, avec le duc de Gênes, étaient enfin arrivées. L’ennemi avait été contenu dans ses efforts ; on lui avait reconquis plus que le terrain qu’il avait gagné au commencement de l’action. Les troupes s’étaient bien battues ; on les voyait en position de prendre l’offensive dès le lendemain ; chacun était content ; les craintes qu’avait trop facilement inspirées l’inexpérience des nouvelles recrues se dissipaient. Nous avions fait plus de deux cents prisonniers, la journée nous paraissait bonne. Aussi, nous comptions, à la pointe du jour, recommencer la bataille et culbuter les Autrichiens, qui, serrés dans un triangle dont Pavie était le sommet, entre le Pô, le Tessin et l’armée, devaient, selon toute apparence, éprouver de grandes difficultés pour opérer leur retraite. Nous n’avions pas cessé d’ailleurs d’avoir confiance dans la division lombarde, qui, repassant le Pô et débouchant sur les derrières de l’ennemi, pouvait opérer une diversion décisive.

À cinq heures et demie du soir, nous avions entendu une vive canonnade dans la direction (le Mortara ; cette canonnade s’était prolongée environ une demi-heure ; j’avais d’abord pensé que c’était le général Durando qui s’avançait vers nous en repoussant l’ennemi, mais le bruit du canon avait cessé, et on n’entendait plus, dans cette direction, qu’un roulement continuel de mousqueterie. Nous étions sans inquiétude, car nous avions sur ce point deux divisions, ce qui donnait 18,000 hommes et 48 pièces d’artillerie. Je pensai alors que Durando