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D’après le plan adopté, par lequel la moitié des forces disponibles était rangée en bataille et l’autre moitié tenue en réserve, l’intention du général Chrzanowski me paraît avoir été de fatiguer l’ennemi en le laissant se consumer en efforts contre notre front de bataille, puis de prendre l’offensive à son tour après quelques heures de combat, et de le culbuter s’il était possible. Au bout de trois quarts d’heure environ, l’attaque se renouvela avec plus de vigueur encore ; la première ligne, composée de la brigade Savone, recula ; deux cassines, situées à droite de la route en avant de la Bicocca, furent emportées ; on fit avancer la seconde ligne. Le régiment de Savoie passa devant le roi, et, se précipitant sur l’ennemi, le repoussa avec vigueur. Pour aider à ce refoulement, le colonel Carderino, de l’état-major, s’avança avec un escadron de Gênes-cavalerie, et fit une charge couronnée de succès.

Bien que l’ennemi fût repoussé, le combat d’artillerie et de tirailleurs n’en continua pas moins vivement ; on se vit même obligé de faire revenir en ligne la brigade Savone pour aider le régiment de Savoie à se maintenir. Le général Perrone, vieux vétéran qui, par ses services, avait su reconnaître noblement l’hospitalité de la France, semblait rivaliser d’audace avec le roi et ne quittait pas ses tirailleurs, qu’il encourageait de ses conseils et de son exemple. Le général Chrzanowski, toujours à côté du roi, suivait de l’œil les incidens de la bataille, donnant ses ordres avec le plus parfait sang-froid et ne quittant le prince que pour se porter sur tous les points où sa présence lui semblait le plus nécessaire. Le point de la Bicocca était la clé de la position ; aussi l’ennemi portait-il ses principaux efforts contre ce village.

Vers deux heures et demie, l’artillerie autrichienne redoubla son feu, et les colonnes ennemies s’avancèrent de nouveau, refoulant tout devant elles. Elles pénétrèrent jusque sur le mamelon qu’occupait le roi avec tout l’état-major ; une trentaine de Hongrois apparurent à l’angle de la cassine, mais, surpris peut-être de se trouver en présence de ce groupe d’officiers, ils restèrent un instant incertains et furent aussitôt enveloppés et faits prisonniers. Le duc de Gênes entra alors en ligne avec une de ses brigades, et, après un combat acharné, la position fut reprise une seconde fois. Pour riposter au feu meurtrier de l’ennemi, on fit avancer une batterie de renfort, puis, une demi-heure plus tard, une seconde batterie, ce qui porta à 32 pièces le nombre de bouches à feu qui furent employées sur ce point. L’espace rétréci de cette partie de la position et la configuration du terrain ne permettaient pas d’en placer davantage. Nous apprîmes des prisonniers que le jeune général qui nous attaquait avec tant d’impétuosité était le même archiduc Albert qui commandait à Mortara le 21.

Le combat s’était ralenti sur le reste de la ligne ; il était évident que tous les efforts des Autrichiens étaient dirigés contre la Bicocca. Voyant