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fief féminin et le Holstein un fief masculin, de sorte qu’une succession féodale différente pouvait survenir dans les deux pays et du même coup briser l’union. En outre, les privilèges de 1460 laissèrent dans les duchés autant de coutumes particulières qu’ils y introduisirent de coutumes communes. Chacun des duchés conservait sa législation ; en Schleswig notamment, la loi danoise ou jutlandaise restait en vigueur. Chaque corps de noblesse devait avoir sa propre diète, la noblesse holsteinoise à Bornehoevede et celle du Schleswig à Urnehoevede ; enfin, de part et d’autre, on gardait sa juridiction propre et son gouvernement particulier, le Schleswig sous un Drossart, le Holstein sous un Maréchal.

À l’époque de la concession de 1460, le pouvoir du clergé, de la noblesse et des villes avait atteint à son plus haut degré de force et d’éclat. En présence de ce pouvoir, celui de la royauté s’effaçait presque entièrement ; aussi les corps privilégiés du Schleswig et du Holstein ne se contentèrent-ils pas de la libre et pleine jouissance de leurs prérogatives ; sous certains aspects, ils réussirent à les étendre. Cependant la plupart des institutions communes dont on essaie de s’autoriser ne sont nées que par des évolutions ultérieures de l’histoire. C’étaient dans l’origine de simples mesures administratives, que maintenant on prend à tâche de faire passer pour des principes, pour des lois fondamentales, pour des témoignages antiques de la réunion primitive et indissoluble du Schleswig et du Holstein. Au nombre de ces mesures, nous apercevons la diète commune des deux duchés. Ce fut le roi Frédéric Ier qui consentit le premier (dans l’acte de confirmation de 1524) à ce que cette diète se tint deux fois par an, savoir : huit jours après Pâques à Flensbourg, et huit jours après la Saint-Michel à Kiel. Tel était aussi le gouvernement commun, dit la Communion, ainsi que la juridiction de police sur les villes, laquelle s’est développée postérieurement, par accroissemens successifs. Ces arrangemens et beaucoup d’autres dictés par les circonstances se modifiaient avec elles ; quelques-uns même disparaissaient entièrement, et personne n’eût songé alors à les envisager comme des principes constitutionnels et fondamentaux. Et d’ailleurs, ces privilèges, dont on argue si complaisamment, sont loin d’être restés intacts : ils s’affaiblirent rapidement, à mesure que le pouvoir de la noblesse, du clergé et des villes perdit lui-même de son autorité devant l’agrandissement de l’autorité royale. On aurait beau jeu à faire l’historique des vicissitudes et de la déchéance de privilèges si étrangement interprétés, depuis les premiers successeurs de Christian jusqu’aux graves événemens qui vinrent, en 1721, leur porter une atteinte décisive.

L’année 1721 est la date de la réunion territoriale du Schleswig au royaume de Danemark sous la même loi de succession à perpétuité. De ce moment, les privilèges de la noblesse du Schleswig et du Holstein ne furent plus confirmés par un même acte, et le premier prince qui depuis cette époque eut à signer un acte de ce genre (Christian VI) confirma les privilèges des prélats et de la noblesse du Schleswig et du Holstein par deux actes séparés, quoique pareils, si ce n’est en un seul point. La différence consistait en ce que l’acte relatif à la noblesse du Schleswig contenait cette réserve : « En tant que les privilèges ne sont pas contraires à notre autorité unique et souveraine sur le duché. »

Les deux noblesses se contentèrent de demander, dans un mémoire du 7 juillet 1731, adressé au roi Christian VI, le maintien de leur nexus socialis, et si le roi céda à leurs désirs par sa résolution du 27 juin 1732, ce fut sous la