Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/775

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une fermeté qu’il n’avait pas montrée jusqu’ici, et il s’est rattaché purement et simplement à la note autrichienne du 8 avril, c’est-à-dire à la politique russe, à l’idée que l’occasion était venue pour les gouvernemens de faire la police en Europe et de s’y employer hardiment.

Depuis ce moment, les choses ont marché avec rapidité, et la querelle est aujourd’hui engagée partout en Allemagne entre les princes allemands et la grande médiatisation démocratique qu’avait voulu opérer la diète populaire de Francfort. En Prusse, en Saxe, en Hanovre, les assemblées particulières de ces derniers pays se prononçaient pour la constitution de Francfort ; les gouvernemens ont dissous les chambres. De son côté, la diète de Francfort a décrété l’immutabilité de la constitution qu’elle a faite. Plus de transaction ! On parle de troupes prussiennes qui se rassemblent près de Mayence et qui menacent l’assemblée de Francfort. La diète décide que le président est autorisé à convoquer l’assemblée nationale partout et quand il le jugera convenable ; que cent membres peuvent demander une réunion extraordinaire ; que l’assemblée peut délibérer et voter quand il y a cent cinquante membres. L’assemblée est composée de six cent cinquante membres. Toutes ces mesures, comme on le voit, sentent l’agitation et l’extrémité révolutionnaires, cette dernière surtout. Beaucoup de membres, en effet, se sont retirés peu à peu de l’assemblée, les membres qui représentent l’Autriche par exemple, les uns en expliquant les motifs de leur départ, les autres à la française, comme disent les journaux allemands, c’est-à-dire sans dire adieu. Le lieutenant-général de l’empire, l’archiduc Jean, dit lui-même qu’il n’a plus que quelques jours à rester à Francfort. Ainsi, une assemblée de six cent cinquante membres réduite peut-être à cent cinquante et persistant à représenter l’Allemagne et le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif prêt à quitter la partie, voilà l’état de Francfort. Ne nous y trompons point cependant : il y a là encore une grande force morale, quelles que soient les fautes qu’ait faites l’assemblée nationale dans ses derniers jours. La constitution qu’elle a décrétée n’est certes pas excellente ; mais comme, au lieu d’en demander la révision par les moyens légaux, les princes allemands la traitent de simple projet de constitution, comme ils nient la légitimité de tout ce qui s’est fait en 1848, et qu’ils en veulent l’anéantissement au lieu d’en demander le triage, l’Allemagne s’inquiète et s’agite, nous ne disons pas seulement l’Allemagne démagogique, dont c’est le métier d’agiter et d’affaiblir tout ce qu’elle touche, mais l’Allemagne libérale et modérée. Malheureusement cette Allemagne libérale et modérée que nous aimons et qui a tous nos vœux et toutes nos sympathies, cette Allemagne libérale qui a dirigé la diète pendant la plus grande et la plus belle partie de sa durée, ce n’est pas elle qui a posé la question dans ces derniers temps. Elle a laissé les partis extrêmes s’emparer de la direction des affaires, La question de l’empereur héréditaire a disparu dans la mêlée qu’elle a soulevée. Il ne s’agit plus de savoir s’il y aura un empereur, et si cet empereur sera le roi de Prusse ; il s’agit de savoir si la constitution de Francfort, ou plutôt si la souveraineté du peuple allemand sur lui-même sera reconnue. 1848 a créé une nouvelle Allemagne qui croit à son droit, mais qui ne demande pas mieux que de le modérer. C’est ce droit qui est nié absolument par la politique monarchique qui vient du Nord.