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de Habsbourg a montré de complaisance pour les Romanoff sous le poids de ce malheureux lien de solidarité créé par le partage de la Pologne, affermi par les guerres de coalition et les congrès de la sainte-alliance ! L’agent de la Hongrie à Paris, M. Teleki, dans un écrit récent, dit avec beaucoup de raison « Si l’intervention russe s’accomplit et réussit, plus d’Autriche. » Il se garde bien toutefois de nous indiquer ce qu’il convient de mettre à la place, à moins que ce ne soit ce fabuleux empire magyare rêvé par M. Mauguin, quelque chose comme cet empire arabe qui devait naguère, on s’en souvient, succéder à la puissance des Ottomans. Non, la vieille Autriche ne peut être remplacée que par une Autriche constitutionnelle et fédérale, fondée sur le principe de l’égalité des races. Il n’y a à choisir qu’entre cette Autriche-là et le chaos, qui remettrait au hasard le destin de l’Orient tout entier, et qui pourrait entraîner la Turquie elle-même dans une ruine irréparable. Que la diplomatie avise. La question revient en définitive à ceci : Trouver le meilleur moyen de concilier les intérêts des divers peuples danubiens avec les intérêts de l’équilibre européen ; d’un côté aider la Turquie à se maintenir dans la ligne où elle entre avec résolution, de l’autre mettre sous les yeux de l’Autriche, en comparaison avec la honte : et le danger du protectorat russe, la jeunesse et la force que les Slaves lui offraient hier encore ; et, si elle persiste à préférer cette servitude à cette vie nouvelle, c’est alors qu’il conviendra de prendre sans retard les résolutions énergiques annoncées par M. Drouyn de Lhuys.


Au milieu des préoccupations si vives qui pèsent en ce moment sur tous les esprits, l’élite de la société parisienne vient d’être douloureusement frappée d’une perte qui laisse après elle un irréparable vide. Mme Récamier a été enlevée en quelques heures à l’affection de ses amis. Le nom que nous venons de tracer dit tout : il ne rappelle pas seulement l’idéal de la ! beauté, de la grace accomplie, de l’amabilité la plus parfaite ; il rappelle encore toutes les délicatesses du cœur, de l’intelligence et de la vertu, et par-dessus tout, la plus active, la plus ingénieuse, la plus angélique bonté. Objet de l’admiration respectueuse et passionnée des plus hautes et des plus poétiques célébrités de ce siècle, sur lesquelles elle a exercé (comme surtout ce qui a eu le bonheur de l’approcher) une si salutaire influence d’inspiration ou de modération, son souvenir reste, entre autres, inséparablement lié à celui de Mme de Staël, de Châteaubriand, de Ballanche. Le nom de Mme Récamier rayonne, dès à présent, comme celui de Béatrice, sous la double consécration du génie et de l’amitié. Il y a un beau portrait à tracer de cette femme éminente, douée d’une si grande puissance d’attraction et d’une sérénité d’ame si harmonieuse et si sympathique. Une plume bien experte à saisir ces nuances a déjà esquissé dans la Revue plusieurs traits de cette noble figure ; mais, pour être achevée, cette œuvre de délicate analyse demande un temps plus calme et une main moins émue. Aujourd’hui nous n’avons voulu que signaler un deuil qui sera profondément senti partout où Mme Récamier était connue.