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un engagement chez Fontanes, et je ne voudrais pas vous séparer. Soyez donc assez bon pour me donner mardi ou mercredi. Le plus tôt sera le mieux. Dites votre choix à M. de Chateaubriand, et ne profitez pas de ce contre-temps pour redevenir le plus ours des ours. Salut à votre ourserie.

« M. B. »


Au même.

« Ce dimanche, 8 août 1803 (du Mont-d’Or). »

« Voici une lettre[1] qui n’a pas pris le plus court chemin pour vous arriver, puisqu’elle a passé par le Mont-d’Or. De peur qu’elle ne fasse encore un détour inutile, je l’adresse à Saint-Germain[2], qui passera chez vous à Paris, l’y laissera si vous y êtes, ou l’enverra à Vire. La paresse de notre ami l’a empêché de cacheter sa lettre, afin que je visse ses projets sans qu’il eût la peine de les écrire deux fois. J’aurais bien pu être polie, mais non sans vous forcer de déchirer la lettre en mille morceaux. Je laisse donc les choses telles qu’elles sont, et vous n’aurez point de cachet. Je n’ai pas le courage de vous dire à quel point je suis affligée de son projet[3], si arrêté, qui me semble si naturel, et qui, dans les vues du monde, est si déraisonnable. Je suis dans un état de faiblesse qui m’ôte presque la force de désirer et de craindre. Je prends les eaux depuis trois jours. Je tousse moins ; mais il me semble que c’est pour mourir sans bruit[4], tant je souffre d’ailleurs, tant je suis anéantie. Il vaudrait autant être morte. Adieu, écrivez-moi au Mont-d’Or, par Clermont (département du Puy-de-Dôme), c’est-à-dire dans le lieu le plus abominable de la terre. »


Au même.

« Ce 29 août 1803.

« Comme je n’ai point eu de vos nouvelles depuis que je suis ici[5], il m’est difficile de vous adresser cette lettre juste. Je me détermine pour Vire sans trop savoir pourquoi, car il me semble que vous devriez être à Paris. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas vous laisser ignorer ma marche, même sans espérer que vous en profitiez. Je serai du 10 au 15 septembre à Lyon ; j’y resterai le temps nécessaire pour arranger mon voyage ; ce sera l’affaire de quelques jours. L’incertitude du temps que mes remèdes dureraient m’a empêchée de vous mander plus tôt une détermination qui n’était pas prise. Je ne vous fais pas de reproches de votre silence ; mais je ne veux cependant pas vous dissimuler qu’il me fait de la peine. Si vous aviez un mot à me dire, il faudrait que ce fût à Lyon, poste restante. »

Qu’a donc Chênedollé ? Tout le monde se plaint de son silence, il

  1. La lettre de M. de Chateaubriand à Chênedollé écrite de Rome le 16 juillet 1803, qu’on a lue précédemment.
  2. Son valet de chambre.
  3. De quitter la carrière diplomatique au bout d’une année, s’il n’a pas une position indépendante.
  4. Voilà de ces mots charmans dans leur tristesse, comme en avait cette ame aérienne. M. Joubert la comparait « à ces figures d’Herculanum qui coulent sans bruit dans les airs, à peine enveloppées d’un corps. »
  5. Au mont-d’Or.