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pas de les entourer de respect et de compassion ; donnez-leur, à l’une la régence, à l’autre un trône ! » Et le peuple, attendri et flottant, aurait peut-être ramené avec acclamations aux Tuileries cette femme et cet enfant…

« Et le lendemain ?…

« L’esprit se perd dans l’abîme de conjectures, toutes plus sinistres les unes que les autres, sur les catastrophes qui se seraient succédé, si des hommes à courte vue et à faible cœur avaient restauré la régence le 24 février. Un instant de trêve, oui ; mais une guerre renaissante et incessante aussitôt après, une émeute nouvelle tous les matins sous les fenêtres de cette femme. L’anarchie, si elle eût cédé ; le sang à grands flots, si elle eût résisté. Aujourd’hui le palais forcé, comme au 20 juin 1791 ; demain la royauté captive, comme au 10 août… »

En vérité, si ce n’est pas une ironie sanglante (on le croirait au premier aspect, mais je repousse une telle pensée), si ce n’est pas une ironie, voilà du moins une singulière logique et une sollicitude plus étrange encore ! Comment ! pour épargner dans l’avenir une catastrophe terrible à cette femme (ce n’est pas moi qui parle, je copie), pour la garantir d’un malheur futur, on l’écrase séance tenante ! Pour la préserver d’une prison problématique, d’une fantastique tour du Temple, on l’exile, on la proscrit, on la chasse ! Pour l’empêcher d’être assassinée le 25, on l’expose à être massacrée le 24 ! D’ailleurs, pour Mme la duchesse d’Orléans, il ne s’agissait plus de la régence, mais de la vie. Arrachez-lui le pouvoir, si vous voulez, mais veillez sur ses jours. Lorsqu’elle est entourée d’assassins, protégez au moins sa sortie ; ne la laissez pas tomber mourante au pied d’un escalier. La politique ne dispense pas de l’humanité… Eh bon Dieu ! pourquoi s’étonner ? la France n’a-t-elle pas été traitée comme cette femme ?

Enfin, quelques amis dévoués parviennent jusqu’à la princesse, et réussissent à la dégager ; ils l’entraînent dans la salle des Pas-Perdus. Nouveau surcroît de danger ! La salle était envahie par des bandes furieuses. Ils gagnent alors à grand’peine la seconde salle d’attente du côté de la cour, puis les couloirs qui mènent aux bureaux de la chambre, où personne n’avait encore pénétré. À travers les corridors des bureaux, ils la conduisent au petit hôtel de la présidence ; mais ce moment, qui semblait celui de la délivrance, fut incomparablement le plus douloureux de tous. Pour la première fois, Mme la duchesse d’Orléans perdit courage et fondit en larmes. Elle ne savait pas ce qu’étaient devenus ses enfans ! Elle ne savait pas s’ils étaient vivans ou morts ! Calme tout à l’heure, presque tranquille au milieu d’un péril partagé, elle demandait avec égarement ses fils qu’elle ne voyait pas ; elle voulait courir les chercher… Bientôt M. le comte de Paris lui fut rendu. Au