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sa proposition par des motifs ou des scrupules de droit constitutionnel ; si M. Wesendonck l’appuie, c’est au contraire, et il s’en vante, parce qu’il y voit une arme révolutionnaire ; cette arme pourtant ne suffit pas au naturaliste hégélien de l’université de Giessen, et il faut voir avec quel emportement démagogique M. Vogt maudit à la fois et la proposition Eisenmann et le programme des sept. Où donc est M. de Gagern pour gouverner cette discussion qui s’égare ? M. Bassermann prend sa place, et, dans une improvisation pleine de force et de logique, il pose une seconde fois la question aussi clairement et aussi intrépidement qu’il est possible : « Voulez-vous la monarchie ou la république ? voulez-vous la réforme ou le bouleversement de l’Allemagne ? Soyez francs. La proposition Eisenmann crée une situation équivoque. Il n’y a que deux propositions en présence, le programme des républicains et le programme des sept ; j’adjure l’assemblée de faire son choix. » Qu’attendait-on pour voter après une explication si nette ? Pour la deuxième fois, le président était mis en demeure de terminer le débat, et pour la deuxième fois il s’y refusait. Était-ce indécision naturelle ? était-ce intimidation causée par les tribunes et désir d’épargner à l’assemblée un vote trop décisif ? Tout cela peut-être en même temps. Ce qu’il y a de sûr, c’est que M. Mittermaier penche pour la proposition Eisenmann et veut la mettre aux voix, au lieu de poser à l’assemblée la question si claire formulée par M. Bassermann. La majorité se révolte ; M. Welcker proteste énergiquement contre la position de la question, et il est remplacé à la tribune par M. Vogt, qui, dès le premier mot, lui jette comme un outrage le titre de plénipotentiaire à la diète. C’était lui dire insolemment qu’il n’était pas digne de siéger à ce parlement populaire. Aussitôt la colère de la majorité éclate ; un seul cri sort de toutes les bouches : À bas ! à bas de la tribune ! (Herunter aus der Tribune !) Chassé de la tribune par l’indignation qu’il a soulevée, le jeune hégélien va peut-être trouver quelque appui parmi les spectateurs qui se pressent dans les galeries. Le président se couvre, et la séance est interrompue pendant une heure.

Quand la séance fut rouverte, M. Mittermaier apporta à la tribune les excuses de M. Vogt. M. Robert Blum aussi, comme vice-président, fit entendre des paroles de conciliation, des conseils pleins de dignité et de calme. L’assemblée applaudit ; elle avait hâte de réparer elle-même et cette confusion violente de sa première séance et le triste incident qui l’avait terminée.

À travers le tumulte de cette orageuse matinée, malgré l’inexpérience des uns et l’entraînement révolutionnaire des autres, un symptôme rassurant s’était produit à l’assemblée des notables ; le parti démagogique y était bien inférieur en nombre et en talent au parti de la réforme. Que le programme des sept fût admis, que la proposition