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propre nom un commentaire encore plus impérieux. Un roi d’Honolulu convaincu de rébellion envers le protectorat britannique n’entendrait pas du résident anglais des injonctions plus dures que celles qu’adressait ici M. Bulwer au gouvernement régulier d’une nation forte et libre. L’agent de lord Palmerston sommait arrogamment le ministère espagnol « de réunir sans délai les cortès ; » et ce n’est pas au ministère seul, c’est au principe monarchique même qu’il s’en prenait : « Le cabinet de Madrid, disait-il, ne doit pas oublier que ce qui a spécialement distingué la cause d’Isabelle II de celle de son royal concurrent, c’est la promesse de liberté constitutionnelle inscrite sur les bannières de sa majesté catholique. » Voilà, certes, qui était catégorique : l’administration Narvaez n’avait plus qu’à choisir entre la levée de l’état de siége, qui allait la livrer pieds et poings liés aux entreprises démagogiques, et l’adhésion de la Grande-Bretagne à la cause carliste, entre la république rouge et le reyneto. Le Foreign-Office trouvait également son compte dans l’une et l’autre solution. M. Bulwer pouvait-il trahir plus naïvement le but caché des scrupules libéraux si bruyamment affichés dans la note du 16 mars ?

Cette fois, c’était trop de moitié. La dignité de la réponse allait dépasser l’audacieuse inconvenance de l’attaque. Si je ne craignais de m’engager dans des citations sans fin, je voudrais traduire en entier cette réponse du duc de Sotomayor. Le ministre des affaires étrangères dédaignait de réfuter les accusations calomnieuses de la note du 16 mars, qui, dans tous les cas, disait-il, n’étaient pas de la compétence de lord Palmerston, et dont la reine et les cortès avaient seuls droit de se saisir. Puis, comblant d’un mot la distance que lord Palmerston avait essayé de mettre entre le gouvernement espagnol et le cabinet britannique, il retournait contre le Foreign-Office lui-même, et cette fois en touchant juste, les récriminations vides et mensongères de la note : « Que dirait lord Palmerston et que dirait votre seigneurie même, si le gouvernement espagnol avait la prétention de qualifier les actes administratifs du cabinet britannique et de lui recommander une modification de politique intérieure ou l’adoption de mesures plus humaines et plus libérales envers la malheureuse Irlande ? Que dirait-il, si le représentant de sa majesté catholique à Londres osait s’exprimer dans des termes aussi durs que ceux qu’emploie votre seigneurie sur les mesures exceptionnelles de répression par lesquelles le gouvernement anglais se prépare à repousser l’agression dont il se voit menacé dans ses propres domaines ? Que dirait-il si le gouvernement espagnol réclamait, au nom de l’humanité, plus de commisération et de justice envers les malheureux Hindous ? Que dirait-il enfin, si nous lui rappelions que les faits récemment survenus dans le continent offrent une leçon salutaire à tous les gouvernemens, sans excepter