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Les divers ministères modérés qui se sont succédé en Espagne l’ont depuis long-temps compris ; mais toute tentative dans ce sens avait constamment échoué devant les exigences de l’Angleterre, qui ne voulait de réforme douanière qu’à son profit. C’est là le prix que le Foreign-Office n’avait cessé de mettre, depuis 1836, à son bon vouloir. Je pourrais, à cet égard, citer des dépêches de lord Clarendon et de M. Aston qui ne le cèdent guère, sous le rapport de la franchise, à celles de lord Palmerston et de M. Bulwer. Ce que la politique anglaise prétendait en d’autres termes, c’est que l’Espagne s’isolât en sa faveur du reste du continent, de la France surtout, et cela sans compensation sérieuse ; car, en droit comme en fait, par les traités existans comme par la différence de parcours et de frais de transport, les produits portugais se seraient trouvés privilégiés de façon à exclure du marché britannique la plupart des produits espagnols. Ne voulant ni souscrire à ces prétentions, ni indisposer trop ouvertement l’Angleterre, le gouvernement de Madrid en était réduit à s’abstenir, et restait en définitive dans le statu quo démoralisateur et ruineux de l’ancien système douanier.

L’intérêt français aurait pu seul contrebalancer ici les exigences britanniques ; mais la France n’avait pas d’intérêt majeur à faire cesser ce statu quo. Par la nature de nos produits, par les relations forcées qu’une frontière commune d’environ cent lieues établit entre les deux pays, par les facilités qu’offre à la contrebande cette immense ligne de contact, nous trouvions, en dépit des tarifs espagnols, un débouché considérable dans la Péninsule. L’alliance commerciale des deux nations ne pouvait pas sensiblement l’accroître, et le gouvernement de Louis-Philippe, en vue de ces résultats minimes, n’aurait pas voulu hasarder une lutte, qui lui eût jeté sur les bras et la diplomatie anglaise et les protectionnistes français. Le cabinet de Madrid lui-même, en face des susceptibilités anti-françaises des progressistes, n’osait pas réclamer ouvertement notre concours. Deux fois seulement, en 1836 et en 1840, le gouvernement espagnol avait essayé de briser la double entrave que les préjugés du parti exalté et les exigences de l’Angleterre opposaient à l’essor commercial de l’Espagne : deux insurrections anglo-progressistes l’en avaient puni. Aujourd’hui, il peut recommencer l’essai impunément. Grace à lord Palmerston, le charme malfaisant qui pesait su r les destinées péninsulaires est rompu ; cette impasse où l’Espagne semblait condamnée à consommer sa lente agonie est ouverte. Le gouvernement et le parlement britanniques ont trop solennellement rétracté les exigences qui paralysaient la réforme douanière pour qu’elles se reproduisent jamais à l’avenir, et, le cas échéant, ces exigences ne trouveraient plus dans la Péninsule leur ancien point d’appui. La gauche espagnole n’a plus désormais le droit de voir un