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faisant jamais pour protéger la société que juste ce qu’elle ne pouvait négliger sans périr. Plus d’une fois, elle a admis tous les principes du désordre, sauf à en comprimer violemment les conséquences. Dans la seconde, une inquiétude étrange s’est emparée d’elle et a comme égaré son esprit. La haine de certains hommes, une sollicitude sans motif pour la forme républicaine que rien ne menaçait, l’ont tout d’un coup, pour ainsi dire, fait reculer dans le camp même de ceux qu’elle venait de vaincre. Elle a risqué, sur ses derniers jours, de faire renaître dans la capitale les scènes sanglantes qui, à son début, avaient failli l’emporter elle-même. Ces deux conduites contradictoires, l’une insuffisante et l’autre dangereuse, expliquent l’impopularité qui l’a frappée aux yeux du pays. Dans la retraite où la plupart d’entre eux vont retourner, les hommes qui se sont intitulés républicains purs et par excellence réfléchiront sans doute sur les motifs de ce verdict populaire. Ils comprendront qu’ils ont ignoré le sentiment public en mettant une question, quelle qu’elle fût, au-dessus de la question sociale, qui seule doit occuper le terrain. Ils comprendront que ce n’est pas la faute de la réaction, si la France, bien que rattachée à la république, est pourtant trop inquiète du nécessaire, depuis le 24 février, pour porter beaucoup d’intérêt à ces questions de forme de gouvernement, qui sont le luxe de la politique. Ils sentiront que c’est pour en avoir fait leur unique et exclusive affaire que des deux côtés on les a remerciés de leurs services. Il leur restera ensuite à faire leur choix entre les deux véritables et sérieux partis qui nous divisent. Du côté de l’ordre, tous les rangs leur restent ouverts : j’ignore si, de l’autre, on se montrera aussi tolérant, et si, avant de les admettre, on ne leur demandera pas de régler certains comptes. C’est leur affaire. En attendant qu’ils aient décidé de quel côté ils vont porter leur concours, on peut toujours tirer parti de leur exemple.

Ce qu’ils n’ont pas fait, c’est précisément ce que l’assemblée nouvelle a mission de faire. Marcher droit au-devant de l’ennemi de la société, défier hardiment ses attaques, se maintenir toujours sans doute sur le terrain de la légalité ; mais, dans cette enceinte encore assez vaste, ne pas l’attendre, mais le chercher, voilà ce que la France se promet de voir faire à cette assemblée dès le premier jour. Elle se dit que ce ne doit pas être en vain que, par deux batailles et deux scrutins, qui ont été aussi des batailles, elle est enfin parvenue à remettre du même côté, à diriger dans le même sens, le droit et la force, l’exécution et la loi. Elle a accepté tous les défis que lui a jetés l’esprit révolutionnaire elle s’est tirée de tous ses piéges ; elle a pris patience avec tous ses subterfuges et tous ses délais ; elle a donné à ses nouvelles institutions toutes les consécrations, tous les baptêmes démocratiques qu’il a pu rêver ; elle espère avoir aussi conquis le droit de le regarder en face et de faire