Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/930

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de l’assemblée, sur les principes éternels de la morale et du droit naturel ; traiter la propriété et la famille comme ces institutions passagères que la loi a faites et peut défaire, et sur lesquelles tout le monde est appelé à donner son avis ; compter ensuite pour le succès ou la faveur qui s’attache à toute opposition, en France, sur les divisions naturelles aux majorités parlementaires, tel était le plan de modération subite proposé à la secte étonnée par le plus téméraire des novateurs. Il serait par trop piquant de s’y laisser prendre, et qu’un matin la France apprît que, sur un scrutin de division, par une coalition imprévue, le socialisme a renversé la société, comme un cabinet d’opposition remplaçait autrefois un cabinet conservateur.

Le danger d’une pareille conduite est trop évident ; la méprise qui y donnerait lieu est trop grossière. Il y a sans doute des socialistes protégés par la constitution et les lois dans leur qualité d’électeurs, d’écrivains, de représentans ; mais le socialisme lui-même, Dieu merci, n’est point encore une opinion constitutionnelle. La constitution protége les personnes, mais condamne très expressément les doctrines, Et dans quel moment le socialisme viendrait-il prendre, pour ainsi dire, droit de bourgeoisie dans l’enceinte de nos institutions ? Nous avons connu l’an dernier, après et surtout avant la révolution de février, un socialisme bénin, innocent, qui prétendait avoir une panacée certaine pour guérir, sans opération douloureuse, tous les maux de la société. Il se vantait de pouvoir donner aux uns sans prendre aux autres. Reste-t-il encore des socialistes pareils ? Nous l’ignorons. Assurément ils n’ont plus le verbe haut ni le cœur à l’ouvrage. Nous avons connu aussi un socialisme raisonneur et systématique qui avait tout un mécanisme préparé pour organiser une société nouvelle, et qui ne demandait que quelques jours de dictature pour en venir à bout. Il s’habillait en projet de loi, il s’efforçait de prendre figure humaine. Il s’appelait impôt progressif, droit au travail, phalanstère, organisation du travail. Malheureusement, comme sous ces formes différentes il avait une espèce de corps, il s’est aperçu qu’il donnait prise. Les divers systèmes se sont trouvés à la fois obligés de répondre aux raisonnemens des adversaires et exposés aux injures des concurrens. Pris entre deux feux, de logique par devant et de violence par derrière, ils ont jugé prudent de battre en retraite. Il n’y a plus maintenant de système socialiste sur le terrain ; il n’y a plus que des passions socialistes ; il n’y a plus de songes dans l’air, il n’y a plus que des cupidités dans les cœurs. Pour se plier aux esprits simples des paysans, il a fallu parler net et vider, comme on dit, le fond du sac. Si nous sommes bien informés de ce qui s’est passé aux élections dernières, le socialisme, dans les campagnes, a employé juste autant de raisonnement qu’il en faut pour démontrer qu’avec cent arpens possédés par un propriétaire, on peut faire cent propriétaires