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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mai 1849.

Quelques jours avant la campagne d’Allemagne, en 1813, la police avait appris que le bruit de la mort de l’empereur avait couru dans les départemens. M. Réal, directeur ou ministre de la police, venant travailler avec Napoléon, ne crut pas devoir lui parler de ce bruit, par discrétion sans doute, et pour lui épargner une idée toujours pénible. L’empereur, qui savait le bruit répandu, dit à M. Réal : — Eh bien ! vous ne me parlez pas du bruit de ma mort qui a couru dans les départemens ? — Je n’ai rien appris à ce sujet, sire. — Eh ! mon Dieu ! je ne m’étonne pas de ce bruit, et je sais bien ce que vous direz tous, quand vous apprendrez ma mort. — Comment, sire ? — Vous direz : Ouf ! et ce sera là mon oraison funèbre.

Nous ne voulons pas comparer la mort de l’assemblée nationale à la mort de Napoléon. L’assemblée nous accuserait de la comparer à un despote, et la mémoire de Napoléon aurait peut-être aussi quelque chose à redire à la comparaison. Cependant nous avons bien envie aussi de dire : Ouf ! et de nous en tenir là pour l’oraison funèbre de l’assemblée nationale. Cependant nous serons justes pour l’assemblée nationale, et nous reconnaîtrons les services qu’elle a rendus à la France ; mais nous demandons quelques jours de répit pour être justes. Elle est née moins mal qu’on ne le craignait, eu égard aux parrains que M. Ledru-Rollin avait voulu lui donner ; elle a vécu mieux qu’on ne le pensait, mais elle est mal morte, et de même qu’il y a un proverbe italien qui dit qu’une belle mort refait une mauvaise vie, de même on peut dire qu’une mauvaise mort gâte une bonne vie. L’assemblée nationale n’a pas su mourir. M. le général Cavaignac avait su mourir ; il avait su transmettre à son successeur le pouvoir intact et complet, défendu avec la même énergie dans les derniers jours que dans les premiers. Il avait été digne et calme. L’assemblée nationale n’a pas suivi cet exemple. Elle a été violente et faible. Elle a semblé avoir toutes sortes de mauvaises pensées dont elle ne pouvait pas faire de mauvaises actions,