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caprice, les bonnes doctrines où sont les mauvaises ; on lui aurait demandé l’impossible, car il n’y a que l’impossible qui soit beau dans ce monde ; et, comme elle n’aurait pas pu le donner, on n’aurait pas manqué bientôt de lui jeter la pierre. Nous aimons mieux le désappointement dans les élections que le désappointement à propos de l’assemblée. Modestes aujourd’hui après l’expérience, nous ne pouvons plus demander à l’assemblée que de défendre la société. Nous ne lui disons plus de faire le superflu ; nous nous contentons du nécessaire.

Comment organiser cette défense nécessaire ? Quels moyens employer ? Ici viennent les gens qui croient à l’efficacité quotidienne des coups d’état, comme si, en face des questions sociales, les coups d’état pouvaient quelque chose. Les coups d’état peuvent parfois trancher les questions politiques ; mais, dans les difficultés sociales, il n’y a d’autre remède que la vigilance et l’attention perpétuelle sur soi-même et sur les autres. Le lendemain d’un coup d’état, la question sociale serait la même que la veille. C’est le malheur de notre temps d’incrédulité morale et religieuse, de croire aveuglément aux mots obscurs et prétentieux. Le prolétaire croit à l’organisation du travail, et le bourgeois croit aux coups d’état.

Laissons de côté ces étiquettes de charlatans, et voyons ce que peuvent faire une assemblée et un ministère unis de cœur et de tête. Ils peuvent faire des lois, lois de répression contre la méchanceté, lois d’assistance publique contre la misère. Comme chacun fait son rêve en ce moment-ci, je voudrais, si je me faisais un dictateur, qu’il fût à la fois saint Vincent de Paule et Richelieu. Voilà mon type, ou plutôt voilà le genre d’esprit que nous souhaitons à la nouvelle assemblée, non-seulement la charité et la force, mais l’intelligence dans la charité et la modération dans la force.

Nous avons indiqué dans quel esprit l’assemblée doit résister et assister. Elle a ce qu’il faut pour accomplir cette double tâche ; elle a de grandes intelligences et des caractères éprouvés ; elle a un grand nombre d’anciens pairs et d’anciens députés, et nous aimons qu’il y ait dans son sein un noyau d’hommes expérimentés dans la conduite des affaires publiques. Il y a aussi beaucoup de représentans nouveaux, et nous ne nous en plaignons pas. Ces hommes, nouveaux dans la vie politique, ont l’avantage d’exprimer fidèlement les sentimens et même les préjugés du pays. Ils se corrigent des préjugés, et leur exemple fait de proche en proche l’éducation du cercle qui les entoure. Ils ont de plus une ardeur et une fermeté que le long usage des choses et des hommes diminue parfois chez les personnages politiques. Loin donc de souhaiter que, dans notre pays, la conduite des affaires publiques se renferme dans un petit nombre de personnes et qu’il se forme ce qu’on appelle une classe d’hommes politiques, nous souhaitons que beaucoup d’hommes nouveaux arrivent dans les assemblées nationales. Nous sommes sûrs, d’ailleurs, que notre vœu sera toujours accompli et au-delà ; mais nous avons besoin de dire pourquoi nous formons un pareil vœu : sans cela nous risquerions de passer pour des optimistes par nécessité, c’est-à-dire pour des gens battus et contens.

Nous nous souvenons d’un mot de lord Ponsonby, autrefois ambassadeur à Constantinople, et que nous rapportait dernièrement un de nos compatriotes. On causait de la révolution de juillet et des hommes nouveaux qu’elle avait amenés sur la scène. « Ce que j’admire chez vous, disait lord Ponsonby, c’est que