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de part et d’autre y est stipulé ; des corps auxiliaires, commandés par les officiers français, devaient être levés en Pologne, où se trouvaient bon nombre de gens de guerre à la disposition du plus offrant. Un subside de 100,000 écus devait être payé par la France. Il était stipulé que le roi restait maître de publier ou de tenir secret le traité. Deux envoyés français, M. de Forval et l’abbé Révérend[1], eurent mission de presser l’exécution des clauses à la charge d’Apàfy. On peut voir, dans le quatrième volume des Négociations relatives à la succession d’Espagne[2], les curieux détails recueillis par M. Mignet sur les incidens de cette affaire. Ces témoignages authentiques et jusqu’alors secrets infirment tout-à-fait le sentiment de quelques historiens transylvains, qui voudraient faire honneur au prince Apàfy d’avoir été de mauvaise foi dans la négociation et de s’être toujours entendu avec l’empereur[3]. Ce qui est certain, c’est que la diversion fut utile. Bien que les opérations de la guerre fussent conduites avec mollesse par le prince transylvain et son ministre Téléky[4], le but de l’alliance avait été atteint. L’empereur Léopold se décida à accepter les conditions proposées par Louis XIV. La paix de Nimègue fut signée au commencement de l’année suivante (1679).

La guerre continuait cependant entre l’empire et la Porte, secondée par les mécontens hongrois ; mais Apàfy n’y prit plus aucune part, il cherchait au contraire à rentrer en grace auprès de l’empereur. Il conclut dès 1686 un traité secret avec Léopold ; par ce traité, il se plaçait lui et la Transylvanie sous la protection de l’empereur et renonçait à tout jamais à la suzeraineté de la Porte. Deux ans après, les états, rassemblés à Clausenbourg, confirmèrent solennellement le traité ; ils déclaraient vouloir revenir à l’antique souveraineté du roi de Hongrie : ad regem Ungarioe a quo fatorum invidia segregati fuerant. Ils stipulèrent d’ailleurs les conditions de leur réunion. Léopold, dans un diplôme célèbre qui a été jusqu’à nos jours la charte de la principauté, leur garantit le maintien de leurs privilèges et des constitutions antérieures. La suzeraineté de l’Autriche était donc reconnue. Apàfy, en mourant (1690), laissait la Transylvanie occupée par les troupes impériales : une

  1. L’abbé Révérend était un homme d’esprit, dévoué tout entier aux intérêts dont il était chargé, et ne négligeant rien pour les faire prévaloir. Il portait des modes de Paris à la princesse Apàfy, de la vaisselle d’argent au ministre, et passait la nuit à table avec les seigneurs transylvains. On aurait pu lui demander, aussi bien qu’à cet ambassadeur près des ligues suisses, combien de fois il s’était enivré pour le service du roi.
  2. Tome IV, page 677 et suivantes.
  3. « Nec mens unquam Apafio fuit, bellum contrà romanum imperatorem gerendi, sed potius confederationes cum eo fovebat continuas, eas quidem occultas, ne à Turcis deprensus, se ac Transylvaniam in discrimen vocaret. » (Trans. illustr., v. 1er, 307.)
  4. Il ne faut pas confondre ce Téléky, ministre du prince Apàfy, avec le célèbre Tœkély.