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assez disposée à trouver que cette liberté bourgeoise était de l’anarchie, et, dans tous les cas, de mauvais exemple pour ses sujets. Aussi les lois saxonnes abondent-elles en précautions de tout genre contre la licence des gens de guerre ou les usurpations du seigneur. « Nul Hongrois ne pourra acheter de maison dans l’intérieur des villes ; les Hongrois n’y seront reçus que comme hôtes ou locataires. À la paix, ils devront quitter la ville sur la première invitation des magistrats. » Ils ne jouissaient, sur le territoire saxon, que des droits qu’on accorde à tous les étrangers. Même aujourd’hui, si quelqu’un d’entre eux a acheté des terres ou des maisons dans le fonds royal, on peut toujours le contraindre, en remboursant le prix payé, à abandonner cette propriété[1]. Au contraire, les émigrans allemands qui viennent raviver cette Germanie de l’Orient sont traités en fait et en droit comme des frères : tout Allemand a droit de bourgeoisie dès son arrivée au pays saxon. Il jouit aussitôt des droits d’élection et de tous les privilèges reconnus aux citoyens.

Indépendamment du territoire dont j’ai indiqué la limite et du district de Bistritz au nord du pays, les Saxons ont formé des établissemens particuliers, et l’on peut dire des colonies dans le pays hongrois ; mais ces points, semés comme des îles à travers le territoire étranger, ne participent en rien aux privilèges et aux immunités que je viens d’énumérer. Les Saxons qui les habitent doivent payer les dîmes, les corvées, et se soumettre à la juridiction des comitats. Chez eux, ils étaient souverains ; là, ils sont sujets. À leur tour, les Hongrois possèdent quelques enclaves dans le territoire saxon ; mais il n’y a pas d’autre parité. Ces enclaves sont régies par la loi hongroise. Le principe, s’il peut y en avoir dans toutes ces bizarreries et ces anomalies, est que, le pays appartenant primitivement aux Hongrois, tout ce qui n’a pas été compris dans la donation dite du fonds royal est propriété hongroise.

Telles sont, dans leurs traits principaux, les trois nations souveraines qui se partagent le sol et l’empire de la Transylvanie. Nous verrons tout à l’heure la forme même du gouvernement central et les conditions de l’union qui a continué sous le sceptre de l’Autriche. Ce spectacle sur une scène plus vaste aurait attiré l’observation, attentive du philosophe et du législateur. Il y a dans cette constitution à peu près, toutes les formes connues de gouvernement, tantôt associées et fondues ensemble, tantôt séparées et mettant face à face leurs contrastes les plus choquans ; rien n’y manque, pas même les esclaves de l’antiquité destinés à assurer les loisirs, et l’égalité des citoyens actifs. Les

  1. La seule exception de fait à cette loi est la présence et le séjour dans un des faubourgs de Cronstadt de quelques centaines de familles hongroises.