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n’a pas, de propos délibéré ou de nécessité, une politique de conquête rapide sur de gigantesques proportions, dans les vastes régions des Indes orientales ?

En France, sous l’ancien régime, c’était par l’enrôlement volontaire que se formait l’armée. Et l’on sait bien comment l’enrôlement volontaire a été remplacé par la conscription. Ce fut l’œuvre des deux gouvernemens les plus despotiques qu’ait connus la France dans le cours de ses quatorze siècles, la convention et l’empire. Tous les deux en ont eu besoin pour exécuter leurs plans, l’un de propagande violente, l’autre de domination universelle. C’est à ce régime de l’enrôlement volontaire qu’on ramènera l’armée permanente de la France, lorsqu’on voudra sortir de la période révolutionnaire. On se plaint qu’on a aujourd’hui de trop jeunes soldats, car c’est une remarque à faire, beaucoup de nos hommes d’état trouvent que sept années de service c’est trop peu, que, pour bien faire, il faudrait prolonger d’une année, de deux, de trois, la durée pendant laquelle nos ouvriers et nos paysans sont retenus sous les drapeaux. Avec l’enrôlement volontaire, rien de plus naturel que de garder les soldats vingt ans. La vie de soldat serait alors une carrière. L’armée pourrait être, pour un même effet utile, beaucoup moins nombreuse. On en a la preuve par l’Angleterre. Ce n’est pas que nos conscrits, soldats involontaires, aient moins de courage que n’en auraient les enrôlés ; mais ils sont en grande partie débiles et chétifs. Les marches et les maladies en cas de guerre, causent dans les rangs un énorme déchet (je demande pardon de me servir de cette expression quand il s’agit de la vie de mes concitoyens) : c’est au moins un prétexte aujourd’hui pour grossir numériquement l’armée. Avec l’enrôlement volontaire, pour avoir un même effectif réel, on pourrait se contenter d’une armée moitié moindre. C’est encore l’exemple de l’Angleterre qui le prouve : avec son Irlande qui gronde, son Canada qui menace de lui échapper, avec ses combats du Cap, avec ses colonies de noirs qu’il faut surveiller, avec les positions militaires du genre de Gibraltar et des îles Ioniennes, qui ont besoin toujours d’une forte garnison, avec les trente mille hommes au moins que l’état prête à la compagnie des Indes, l’Angleterre n’a que cent trente mille hommes dans son armée de terre. Il lui en faudrait plus du double, si elle recrutait ses régimens par la conscription parmi les populations ouvrières de Manchester et de Leeds, ou parmi les classes pauvres de Londres.

Selon toute apparence, une armée d’enrôlés coûterait moins qu’une armée de conscrits, quoiqu’on dût faire aux soldats de plus grands avantages, leur assurer une meilleure paie, et à l’expiration de leur service une petite retraite. C’est qu’on se retrouverait du surcroît de