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la diffamation et le mépris, il a provoqué par les paroles séditieuses les actes séditieux. Couvrant une passion du nom d’un principe, il n’a cherché qu’à se venger d’une révolution par une révolution. Il avait des représentans dans l’émeute de février, et, comme le rapporte l’auteur de Léonie Vermont, au sac les Tuileries, dans le lieu même où Louis XVI et Marie-Antoinette furent abreuvés d’outrages, un jeune homme qui porte un grand nom légitimiste joue une polka aux chahuteurs de l’orgie révolutionnaire. S’il y a dans le parti légitimiste des hommes qui, aujourd’hui même, ne comprennent pas et ne regrettent point les fautes qu’ils ont commises alors contre la société et contre la France, les honnêtes gens, les hommes qui ont défendu en tout temps, sans autre parti pris et sans arrière-pensée, la liberté, l’ordre et l’autorité, ne seront jamais avec eux. Qu’ils continuent aujourd’hui, ces légitimistes-là, le rôle qu’ils ont joué sous Louis-Philippe ; qu’ils flattent les mauvaises passions et les préjugés populaires, qu’ils offrent au socialisme des amorces, comme ils ont, pendant dix-huit ans, tendu à la démocratie le suffrage universel, qu’ils caressent avec un machiavélisme imbécile certains révolutionnaires de notre temps, comme leurs pères, en 1815, courtisaient le régicide Fouché ; qu’ils s’allient maintenant avec les rouges, comme ils se sont unis avant février, aux républicains, traîtres au nom qu’ils portent, que du moins ils ne s’avisent pas d’accuser personne d’avoir travaillé autant qu’eux à la corruption de la France !

Si les légitimistes ne veulent pas repousser les seuls hommes avec lesquels ils puissent faire des alliances honorables pour eux et utiles au pays, qu’ils y prennent garde, ils doivent renoncer aux injustes accusations qu’ils ont portées trop long-temps contre les hommes du régime de 1830. Il faut que les légitimistes oublient beaucoup, car ils ont beaucoup à faire oublier. Dans les vieux ressentimens des partis, il y a du reste d’étranges anachronismes. Lorsque les luttes des partis ont été ardentes et ont duré long-temps, elles s’enveniment d’animosités personnelles qui entretiennent encore les divisions même après que les motifs en ont disparu. Je comprends que quelques-uns des légitimistes qui ont pris part aux luttes de la restauration aient gardé contre les hommes éminens du parti libéral qui étaient alors leurs adversaires, et ont paru diriger la révolution de 1830, des ressentimens difficiles à déraciner ; mais ne serait-il pas absurde que les deux partis conservassent comme un héritage les haines d’une autre époque ? On ne réfléchit pas assez que le temps change le personnel des partis. Les hommes qui ont aujourd’hui quarante ans étaient encore dans les écoles lors de la révolution de juillet ; les hommes qui ont aujourd’hui trente ans entraient à peine au collége en 1830. Ces deux générations sont la force de la France actuelle, elles n’ont rien à dé-