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les Anglais, les Hollandais, tout ce qui compte à peu près, excepté nous, et c’est par des réformes de ce genre que vous pourrez espérer d’attacher les populations aux nouvelles institutions politiques qu’on leur donne à grands coups de révolutions.

III. – DE LA LIBERTÉ DANS SES RAPPORTS AVEC LE SYSTEME ADMINISTRATIF.

On voit par ces exemples ce que signifie la liberté dans l’esprit des Américains, et quelle en est la fécondité. Poursuivons la biographie du citoyen américain et l’appréciation de la liberté dont il jouit dans le cours de sa vie active.

Le citoyen américain, certain de ne pas être détourné de ses projets d’avenir par le service militaire, sera, supposons-le, un cultivateur : c’est le cas le plus ordinaire. Il est plein de résolution et d’opiniâtreté. L’isolement ne l’effraie pas. Il se sent d’un tempérament à braver même la fièvre qui s’acharne après le défricheur dans les terres vierges à fonds riche. Il part avec sa jeune femme, car il se marie de bonne heure, pour les régions où sont les terres publiques, pour ces vastes espaces de l’ouest que la génération précédente baignait de son sang quelquefois sous le fer des sauvages, mais où aujourd’hui la sécurité est complète. Il est impatient de se conquérir un patrimoine sur la solitude par son travail, et d’agrandir ainsi la richesse de la société, le domaine de la civilisation. Quel est l’accueil que fera la loi, la loi souveraine respectée, au beau zèle qui l’anime ? Quelle latitude, quelle liberté lui donnera-t-elle ?

Lui livrera-t-elle des terres gratis ? Non, elle les lui fait payer. Le prix n’est pas exorbitant ; la mise à prix des enchères est de 1 dollar un quart par acre, environ 16 francs par hectare, et il y a assez de terres à vendre pour qu’on s’en procure toujours au taux de la mise à prix. Le principe est même qu’on ne vend pas à crédit ; c’est au comptant. Le système de l’acquisition à prix d’argent a l’avantage d’attacher mieux l’homme au sol. Il a des inconvéniens, et je dirai comment on y pare ; mais, si la terre était concédée gratuitement, on a pensé que le cultivateur y tiendrait moins, s’en séparerait plus aisément. À plus forte raison ne lui fait-on aucun don de maison, de bétail, de semences, de vires. Il vient là à ses risques et périls. Il abat des arbres, et des troncs se fait une cabane. Ses voisins, s’il en a, l’aident un peu, à charge de revanche, à charrier ses madriers. Du reste de la forêt, par l’embrasement, il fait des cendres qui engraissent la terre. Il vit péniblement d’abord, avec sa petite famille qui grandit, sur le sol qu’il a labouré ; mais le terroir fertile lui donne bientôt un excédant de provisions, et il le vend à un marchand, qui l’expédie à New-York ou à la Nouvelle-Orléans. L’impôt l’atteint à peine. Il fait quelques épargnes qu’il grossit à force d’industrie. Voilà pour un homme entreprenant et intel-